Politique d’interpellation, bourses d’études pour les jeunes des minorités, formation obligatoire en gestion de la diversité. La Ville de Laval s’engage dans une démarche de renforcement de ses pratiques face à la diversité ethnoculturelle afin d’éliminer le profilage racial, notamment au sein de son service de police.

« Même si on constate que la réalité ici n’est pas comparable à ce qui se passe chez nos voisins du Sud, nous avons la responsabilité d’obtenir et de garder la confiance du public envers l’administration municipale et envers le service de police », a indiqué lundi le maire Marc Demers lors d’une conférence de presse virtuelle.

Avec le directeur général de Laval, Jacques A. Ulysse, le maire Demers a présenté une vision devant s’appliquer à l’ensemble de la municipalité, mais dont l’accent est mis d’abord et avant tout sur le corps policier. Le document de référence de cette « nouvelle approche inclusive » s’intitule d’ailleurs Nouveau regard sur le Service de police de Laval. Malgré cela, le directeur du Service de police de Laval (SPL), Pierre Brochet, était absent de la tribune ; M. Demers a tout de même donné l’assurance d’une collaboration pleine et entière de la part du SPL.

Introspection

Concrètement, le SPL est appelé à faire de l’introspection. Il devra d’abord s’atteler à établir un diagnostic sur la qualité de ses relations avec les différentes communautés. La meilleure façon de régler un problème est d’abord d’en faire le contour, a plaidé le maire Demers. Ce dernier a reconnu que le profilage racial existe dans les rangs du SPL et qu’il peut en témoigner, lui qui a été policier pendant 30 ans à Laval.

Ainsi, le SPL devra élaborer une politique d’interpellation. Dans ce contexte, les caméras vidéo corporelles peuvent être un « moyen de désescalade ». Cela peut établir la crédibilité ou la frivolité des plaintes à l’endroit de la police et atténuer le « sentiment d’impuissance des personnes interpellées ». Une réflexion à cet égard est en cours partout au Québec.

Une formation continue en relations interculturelles et en gestion de la diversité pour l’ensemble des policiers et des cadres de la Ville de Laval sera mise en place. Cette formation sera obligatoire et permettra d’évaluer la « performance » des policiers qui souhaitent progresser dans la hiérarchie. « Il faut ainsi assurer le développement des compétences interculturelles chez les policiers par des formations qui touchent le savoir, le savoir-faire, mais également le savoir-être (empathie), et qui sont adaptées à la réalité du travail de policier et à sa complexité », peut-on lire dans le document officiel.

Plus du quart de la population de Laval est constituée de personnes immigrantes (28,5 %), mais la Ville n’en compte que 11,58 % parmi les fonctionnaires. Au SPL, ce sont 6,14 % des policiers qui sont issus de l’immigration. La cible est de 10 %.

Pour y parvenir, Laval veut valoriser le métier de policier auprès des minorités visibles. Des stages de familiarisation pourraient être organisés pour les jeunes durant l’été. La Ville entend également créer un fonds en collaboration avec le SPL pour attribuer trois bourses d’études à « des jeunes issus de groupes sous-représentés ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Jacques A. Ulysse, directeur général de Laval

« Les événements des dernières semaines nous ont cruellement rappelé que nous devons demeurer vigilants et porter une attention continue à ces enjeux et aux manifestations multiples d’intolérance et de biais. Ces enjeux se posent à Laval comme ailleurs dans les grandes villes », a indiqué Jacques A. Ulysse, qui souligne que Laval veut « une force policière qui nous ressemble ».

La responsabilité renforcée

Les intentions de l’administration Demers devront déboucher sur des mesures concrètes au printemps 2021, quelques mois avant le déclenchement de la campagne électorale municipale. Mais la première échéance est l’automne afin d’inclure les mesures dans le prochain budget de fonctionnement de la Ville.

Cela deviendra un plan d’action qui sera sous la surveillance de l’ombudsman. Un mandat à cet effet est donné. De plus, le maire Demers a demandé des avis au Comité consultatif Jeunesse ainsi qu’au Comité consultatif sur les relations interculturelles de Laval. « On doit se comprendre et se parler », a souligné M. Ulysse.

Pour ce qui est du coût de cette opération, le directeur général a laissé tomber : « J’ose espérer que la protection de la dignité humaine n’a pas de coût. »