Plantation de 500 000 arbres, bâtiments sobres en carbone, portion du centre-ville réservée aux véhicules zéro émission ; le « Plan climat » de la Ville de Montréal prévoit 46 actions pour faire face à la crise climatique. Un plan applaudi par le milieu écologiste.

La Ville de Montréal cible les grands bâtiments et le secteur des transports, principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la métropole, pour parvenir à sa cible de réduction de 55 % d’ici 2030, annoncée l’an dernier.

Le Plan climat 2020-2030 constitue « la feuille de route qui [permettra] d’atteindre cet objectif ambitieux », a déclaré la mairesse Valérie Plante lors de son dévoilement, jeudi.

Fruit de deux ans de travail, le document de 120 pages détaille 46 actions, réparties en cinq « chantiers d’intervention », pour réduire les émissions de GES, mais aussi pour s’adapter aux effets du réchauffement de la planète.

Le secteur du bâtiment, qui est responsable de 28 % des émissions de GES de Montréal, fait l’objet d’un chantier à lui seul.

Les nouveaux bâtiments devront impérativement tendre vers le zéro carbone, tandis que les bâtiments existants devront cesser d’utiliser du mazout et réduire leur utilisation de gaz naturel d’origine fossile.

Le tout s’accompagnera de normes d’efficacité énergétique pour atténuer la hausse de la demande en électricité, et les propriétaires devront divulguer leur consommation énergétique, calculer leurs émissions de GES et améliorer leur bilan ; de l’aide financière sera disponible pour y parvenir.

La Ville mettra l’accent sur les grands bâtiments, dont la superficie dépasse 25 000 pieds carrés, si bien que les propriétaires de résidences unifamiliales ou de plex n’auront pas à se départir de leur système de chauffage aux énergies fossiles. Toutefois, ces propriétaires pourront se prévaloir de programmes d’incitatifs financiers.

Une « vitrine » au centre-ville

Montréal envisage qu’une « partie significative » du centre-ville soit réservée aux véhicules zéro émission d’ici 2030, à l’image de ce qui se fait à Paris.

La mairesse Valérie Plante souhaite faire du centre-ville « une vitrine de l’électrification des transports ».

La Ville veut aussi réduire de 25 % les déplacements en auto solo, un secteur qui est en augmentation depuis un demi-siècle.

Pour y parvenir, elle entend notamment inciter les propriétaires de stationnements commerciaux situés près de stations de métro à y faire du développement ou du verdissement pour favoriser l’utilisation des transports en commun.

L’administration Plante favorisera également dans toute la ville l’aménagement de « quartiers vivants, à échelle humaine », à l’instar des quartiers centraux, où il est possible de travailler, faire ses courses et aller à l’école sans avoir à prendre une voiture.

Mobiliser et montrer l’exemple

Pour atteindre ses objectifs, Montréal entend mobiliser toute la collectivité par des mesures d’accompagnement et des incitatifs, par exemple en soutenant financièrement les entreprises qui optent pour un service de livraison zéro émission, comme le projet pilote Colibri, illustre la mairesse Plante.

Dans cette mobilisation, la Ville pourra compter sur l’appui du Partenariat climat Montréal, tout juste mis sur pied par la Fondation du Grand Montréal (FGM) et la Fondation familiale Trottier dans l’objectif de « mobiliser les acteurs clés de la collectivité montréalaise pour accélérer la réduction des émissions de GES sur l’île, et aider la Métropole à atteindre ses objectifs ».

Assis à côté de la mairesse, le président-directeur général de la FGM, Karel Mayrand, a salué la volonté de la Ville de collaborer avec une multitude de partenaires, soulignant qu’il s’agit d’une tâche ardue, « mais qui fait en sorte que son plan sera porté par la communauté ».

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Karel Mayrand

La Ville veut aussi montrer l’exemple en transformant 100 % de son parc immobilier pour le rendre carboneutre et en décarbonant les déplacements professionnels de ses 28 000 employés.

Adaptation aux changements climatiques

Le Plan climat de Montréal s’attaque aussi à l’adaptation aux changements climatiques, dont les effets se font déjà sentir ; de 10 à 15 % du budget d’investissements de la Ville sera ainsi consacré à des mesures d’adaptation dans la prochaine décennie, ce qui représente entre 1 et 1,5 milliard de dollars.

La métropole plantera ainsi 500 000 arbres – en plus de remplacer ceux qui meurent ou qu’elle coupe –, en particulier dans les secteurs où se trouvent beaucoup d’îlots de chaleur, comme Montréal-Nord et Parc-Extension.

Elle ambitionne aussi de faire passer de 6 % à 10 % la superficie d’aires protégées.

« Le plan contribuera à créer des milieux de vie résilients », a expliqué Laurence Lavigne Lalonde, responsable de la transition écologique et de la résilience au sein de l’administration Plante.

« Ça peut sembler abstrait, mais c’est ce qui fait qu’on a une bonne qualité de vie », a-t-elle ajouté.

La Ville imposera par ailleurs un « test climat » à toutes ses décisions, pour s’assurer de limiter leur impact au chapitre des émissions de GES et de maximiser leurs retombées.

C’est aussi une façon de s’assurer de la pérennité de l’action climatique de la métropole, a souligné Mme Lavigne Lalonde, en faisant en sorte que le plan climat « résiste à d’autres administrations », qui pourraient être moins ambitieuses en matière climatique.

Le milieu écologiste applaudit

Le Plan climat de la Ville de Montréal est louangé par de nombreuses organisations écologistes. Il met en place « des mesures innovantes pour faire face à l’urgence climatique », affirme Équiterre, qui se réjouit particulièrement de l’imposition d’un test climat pour baliser les décisions de la Ville, qui « deviendra une référence en la matière pour toutes les administrations publiques ». Il « s’aligne avec la science » et constitue une occasion unique pour un développement économique durable, souligne pour sa part la Fondation David Suzuki, qui estime que « le vrai travail peut maintenant et enfin commencer ». Le plan hisse « Montréal dans le peloton de tête des villes en Amérique du Nord », selon Greenpeace Canada, qui regrette toutefois que la cible montréalaise soit « en deçà de ce qu’exige la science » pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. L’opposition officielle à l’hôtel de ville n’est pas du même avis, y voyant « un plan très vague, qui n’est même pas sérieux dans son processus », a déclaré le porte-parole en matière d’Environnement, Francesco Miele, ajoutant : « Dans la plus pure tradition de l’écoblanchiment, tout est teinté d’écologie sans véritable matière. »