Des résidants d’un projet de construction d’habitations, dans Lachine, dénoncent les retards qui se multiplient sur le chantier. Trottoirs mal planifiés, accès « dangereux », signalisation manquante ; les travaux, qui ont été suspendus à plusieurs reprises ces dernières semaines, illustrent pour beaucoup la « mauvaise gestion » de la Ville et du promoteur, qui s’accusent mutuellement d’avoir commis des fautes.

« Il n’y a même pas de signalisation adéquate pour nos enfants, alors que les voitures roulent vite. Les rues ne sont pas nettoyées. Pendant des semaines, les trottoirs n’ont pas été coulés. Pour moi, le manque de communication est à la base du problème », témoigne Enzo Tosques, qui y a emménagé en 2019.

Dimanche, alors qu’il se rendait à sa voiture, le Montréalais a fait une vilaine chute, tant les installations sont « précaires ». « Je suis tombé sous l’espèce de traverse temporaire qu’ils ont mise. Je me suis blessé au dos et aux épaules. J’ai appelé le promoteur, il m’a dit qu’il n’était pas responsable. Et à la Ville, personne ne m’a rappelé », martèle M. Tosques.

PHOTO DAVID BOILY, LAPRESSE

L'ensemble immobilier VillaNova est situé sur le site de l'usine Jenkins, à Lachine.

Localisé sur l’ancien site de l’usine Jenkins, VillaNova a été lancé il y a environ cinq ans par Construction F. Catania. Déjà visée par des accusations, l’entreprise s’est depuis placée en liquidation. L’une de ses filiales, Développement Lachine-Est, a pris le relais avec d’autres constructeurs.

Le 29 juillet dernier, le chantier a été suspendu pour la première fois en raison d’une « signalisation déficiente », de passerelles d’accès « non sécuritaires » ainsi que d’une « protection déficiente des excavations » et des puisards, dit l’arrondissement. Celui-ci affirme que l’entrepreneur n’avait même pas de permis. À la mi-août, les travaux ont de nouveau été suspendus, parce que les trottoirs étaient « trop élevés » par rapport au sol et aux entrées de garage.

À qui la faute ?

Selon Carl Gosselin, résidant qui fait partie d’une association de copropriétaires de maisons de ville, l’ensemble du projet a été « mal géré ». « On a vraiment l’impression de se faire prendre en souricière et, surtout, qu’on va se ramasser avec la facture à la fin », dit-il.

Après la mise sur pied d’un comité et une rencontre de travail à la fin d'août, le chantier a repris au début de septembre, avec un surveillant de l’arrondissement en prime. « Le problème, c’est qu’on se fait toujours accoter sur des faits accomplis, alors qu’on veut s’impliquer dans la résolution de problèmes. On craint que le reste ne soit que de la poudre aux yeux », dit M. Gosselin.

On ne veut pas être obligés de se battre en cour et créer un autre problème, mais il faut nous fournir des réponses à un moment donné.

Carl Gosselin, résidant et membre d’une association de copropriétaires

L’ingénieur de formation affirme qu’il évalue actuellement, avec d’autres résidants, les recours juridiques à sa disposition. « La Ville s’interpose constamment entre nous et le promoteur, en disant qu’elle gère tout ça, que tout est correct. Mais c’est nous qui avons dû composer avec les retards et le quotidien dans les travaux », tonne-t-il.

« Une chance qu’on a retardé le chantier »

Jointe par La Presse, la mairesse de Lachine, Maja Vodanovic, affirme que depuis le départ, le promoteur était de mauvaise foi, en voulant notamment éviter les travaux de décontamination. « À la base, il me disait que tout était parfait avec les sols, alors que les tests ont révélé que tout était contaminé, même autour du terrain. Ça nous aurait coûté des millions », dit-elle.

Le fait que l’entrepreneur a commencé les travaux sans permis est très alarmant, selon la mairesse. « Je sais que c’est long pour les citoyens, mais il fallait qu’on arrête ce chantier. C’était essentiel pour la sécurité des gens », note l’élue, qui avait voté contre le projet il y a plusieurs années, alors qu’elle était conseillère.

Ces citoyens sont des pionniers dans un ancien quartier industriel. Ils sont braves, parce que les constructions n’ont pas fini autour. Ça va être difficile à vivre.

Maja Vodanovic, mairesse de Lachine

Appelé à réagir, Développement Lachine-Est déplore de son côté que plus de 400 personnes aient été « prises en otage » par les suspensions « ordonnées » de l’arrondissement. L’entreprise dénonce « une intervention politique inusitée ». « Il aura fallu près de deux semaines pour [que les autorités] nous autorisent à reprendre les travaux. Cela sans aucune demande de changement au schéma d’ingénierie original approuvé par l’arrondissement en 2017 », ajoute le groupe.

Mme Vodanovic, elle, dit avoir tiré des leçons, en vue du redéveloppement complet dans le secteur. « Je veux que ce soit fait différemment pour les autres projets à venir », dit la mairesse, qui admet que ses équipes devront encadrer davantage les chantiers. « J’en apprends tous les jours sur l’humain, l’urbanisme et les travaux publics », illustre-t-elle.