Le conseil d'arrondissement d'Outremont entend permettre l'agrandissement d'une synagogue sur l'avenue Bernard, malgré un règlement adopté par référendum ayant statué contre l'édification de lieux de culte dans cette rue achalandée. Lors de la séance du conseil d'arrondissement, hier, cette décision, dans un dossier qui divise la population, a engendré une vive protestation des citoyens.

La résolution a été adoptée tard en soirée hier. La plupart des citoyens présents ont reproché à leurs élus de les mettre devant le fait accompli.

En vertu de l'entente, un permis de construction sera délivré à l'entreprise Place Bernard et à son propriétaire Michael Rosenberg, pour l'agrandissement d'une synagogue dans l'immeuble situé au 1250-1270, avenue Bernard.

Or, le règlement de zonage adopté en 2016, appuyé par un référendum (60 % des voix), interdit que de nouveaux établissements religieux s'établissent dans la rue.

Selon le maire Philippe Tomlinson, un litige qui opposait l'arrondissement au promoteur de la synagogue « comprend des risques pour l'arrondissement, dont la perte des espaces commerciaux ». L'accord à l'amiable permet ainsi, selon lui, d'« éviter les risques et aléas que comporte la tenue d'un procès prévu le 19 février ».

Éviter le pire

En avril 2016, l'homme d'affaires Michael Rosenberg a demandé un permis à l'arrondissement pour l'agrandissement de la synagogue, au rez-de-chaussée de son immeuble commercial de l'avenue Bernard. Un permis d'aménagement d'un lieu de culte avait déjà été délivré en 2015.

L'adoption du règlement contre l'édification de nouveaux lieux de culte a coupé l'herbe sous le pied de M. Rosenberg, qui a alors présenté une requête à la Cour supérieure contre l'arrondissement ; il réclame plus de 200 000 $ et la délivrance du permis.

Le Service des affaires juridiques de la Ville de Montréal a récemment saisi le dossier et recommandé un règlement à l'amiable entre les deux parties. « Le contentieux nous dit que nous avons devant nous la meilleure entente possible », a indiqué hier le maire Philippe Tomlinson, sous les huées des citoyens.

Ainsi, 700 m2 plutôt que les 1000 m2 initialement prévus par le promoteur seront réservés à la synagogue. « En cas de défaite en cour, ces espaces seraient occupés exclusivement pour des lieux de culte », a-t-il expliqué. Or, trois des quatre locaux en façade de l'immeuble seront préservés pour des commerces, selon l'entente.

Conseil sous tension

Le chahut de désaccord a ponctué plusieurs interventions du maire hier, et les citoyens se sont indignés lors de leurs interventions pendant la période des questions.

Le seul élu du conseil qui ne fait pas partie de l'administration de Philippe Tomlinson, Jean-Marc Corbeil, a rappelé au maire qu'un deuxième avis juridique indépendant, outre celui du contentieux de la Ville, recommandait à l'arrondissement de ne pas régler ce litige à l'amiable. Cet avis n'a pas été pris en compte.

Un citoyen, Karim Ben Rouma, a fait savoir à La Presse, en marge de la séance du conseil, que plusieurs de ses concitoyens pensaient déjà à se réunir afin de contester devant les tribunaux la décision des élus.

« Il y a un vice de procédure parce que personne n'a été mandaté par le conseil municipal pour en arriver à cette entente, alors que ça aurait dû être le cas », a-t-il soutenu.

Un représentant de la communauté juive ayant assisté à la séance du conseil, Max Lieberman, a confié à La Presse être satisfait de ce qui a été annoncé hier. « C'est une bonne solution pour la communauté juive et pour toute la communauté d'Outremont », a-t-il fait valoir.

Citoyens coincés dehors

La séance du conseil d'arrondissement avait débuté dans le tumulte : au moins la moitié des citoyens ont été refoulés à la porte de la salle d'une cinquantaine de places du conseil municipal, qui ne pouvait accueillir tous ceux qui auraient souhaité prendre part à cette séance.

Un citoyen, Jean-François Rivest, a demandé au micro plus tard dans la soirée comment la séance avait pu avoir lieu avec des citoyens forcés d'attendre à l'extérieur, malgré le froid et malgré la prévisibilité de la forte présence à cette soirée. Lui-même a eu à patienter près d'une heure avant d'accéder à la salle.

Durant une partie de la séance, on pouvait entendre dehors les protestations des citoyens qui demandaient à entrer et qui n'auront, finalement, jamais eu accès à la salle du conseil.