Alors que le premier ministre Justin Trudeau vient d’annoncer 1,3 milliard pour le prolongement de la ligne bleue du métro, la contestation d’une expropriation par un propriétaire qui se dit victime de la « mauvaise foi » du gouvernement provincial complexifie l’avancement des travaux. 

Situé à l’intersection du boulevard Lacordaire et de la rue Jean-Talon, l’immeuble commercial au cœur du litige abrite un cabinet de médecin, une clinique dentaire, une pharmacie ainsi qu’une clinique de physiothérapie.

Son propriétaire, le notaire Francesco Cavaleri, a reçu un avis d’expropriation le 14 mai 2018, afin que la STM puisse y construire l’une des cinq nouvelles stations de métro de la ligne bleue prévues par le prolongement.

L’immeuble était visé depuis 2014 par un décret du gouvernement du Québec, qui l’a frappé d’un avis de « réserve pour fin publique ». Cet avis a prohibé pendant quatre ans toute construction ou amélioration à l’immeuble, à l’exception des réparations urgentes, tant que le projet du métro ne serait pas arrêté.

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB DE LA SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE MONTRÉAL

Tracé projeté de la ligne bleue

Dans l’intervalle, l’homme d’affaires a aussi acheté un autre immeuble situé tout près sur le boulevard Lacordaire, afin, dit-il, d’y déménager éventuellement ses locataires. Or, cet immeuble aussi a été visé par une ordonnance d’expropriation décrétée par Québec.

« Irrationnel »

L’entreprise de M. Cavaleri a poursuivi le ministère des Transports en 2018 pour faire annuler l’avis d’expropriation, qu’il qualifie d’« irrationnel », de « complètement arbitraire » et « de mauvaise foi ». M. Cavaleri allègue dans sa poursuite que la défunte Agence métropolitaine de transport (devenue l’Autorité régionale de transport métropolitain depuis), qui développe le projet, projette elle-même le développement commercial du secteur avoisinant le métro. Selon M. Cavaleri, « c’est cet intérêt commercial qui motive l’expropriation plutôt que le prolongement », lit-on dans des documents de cour.

Le gouvernement a tenté de faire déclarer la poursuite irrecevable, mais la Cour d’appel l’a débouté, invitant les deux parties à trouver une solution négociée. « Les craintes que le recours se prolonge inutilement peuvent certainement être contrecarrées par les initiatives des parties », suggère le juge Martin Vauclair.

« L’affaire va être entendue sur le fond sous peu, mais nous n’avons pas de date pour le moment », indique M. Cavaleri. Son entreprise a déposé une pétition de 3000 noms réclamant que l’édicule du métro soit bâti ailleurs. « Ça pourrait être fait dans un parc avoisinant », dit-il. 

Impossible de connaître le coût total

La ministre provinciale déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, s’est dite incapable, hier, de chiffrer le coût total du prolongement du métro. Le montant de 4,5 milliards a été évoqué, mais Québec refuse de le confirmer, évoquant des « litiges » avec certains propriétaires visés par des expropriations.

« Je ne peux pas dire quel est le montant final aujourd’hui. Il y a des discussions avec certains propriétaires. Il y a des litiges. Ça avance, nous sommes confiants », a-t-elle déclaré, en marge d’une annonce du premier ministre fédéral, Justin Trudeau, venu confirmer un investissement de 1,3 milliard d’Ottawa dans le projet.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a annoncé hier qu’Ottawa investira 1,3 milliard pour le prolongement de la ligne bleue du métro. 

« C’est complètement inacceptable qu’à cette étape-ci, on ne soit pas en mesure de connaître le coût de ce projet, ou ne serait-ce que de nous fournir une estimation raisonnable », a répliqué le porte-parole libéral en matière de transports, Gaétan Barrette.

« L’argument des expropriations utilisé par la ministre déléguée est un peu ridicule ; on connaît les adresses expropriées, on connaît leur valeur marchande approximative. Le gouvernement devrait au moins nous donner un montant à 10 % près de ce que ça va coûter à la fin », a ajouté M. Barrette.