Denis Coderre se défend vigoureusement d'avoir voulu favoriser le Groupe CH en décidant, peu de temps après son élection, d'investir 28 millions de dollars pour construire un amphithéâtre au parc Jean-Drapeau qui ne profiterait à peu près qu'à ce groupe de divertissement.

«C'est tendancieux. Ce n'est pas vrai. Ça appartient à tout le monde», s'est défendu le maire vendredi matin.

Dans son édition de ce matin, La Presse révélait qu'après son élection en 2013, l'administration Coderre a considérablement modifié le plan de modernisation du parc pour le 375e anniversaire de Montréal, plan qui avait déjà approuvé par l'administration précédente et par le gouvernement du Québec. Elle a choisi d'investir 10 millions pour agrandir le parterre de 45 000 à 65 000 places sur l'île Sainte-Hélène et accordé 18 millions pour des équipements technologiques que réclamait le groupe CH. Ces équipements, le groupe, auquel appartient le promoteur evenko, les louait au coût de 500 000 $ par an afin d'y tenir ses principaux évènements, Osheaga, Heavy Montréal et îleSoniq.

C'est donc dire qu'une fois l'amphithéâtre complété, evenko profitera d'un site neuf, financé par le public, et économisera même des frais de location d'équipements.

«Les équipements répondent aux besoins d'un seul producteur, evenko. Les autres producteurs s'en serviront peut-être à 25%, mais c'est au-delà de leurs besoins», a dit une première source directement impliquée dans le dossier à La Presse.

«De par sa taille, evenko est le seul promoteur à avoir besoin de ces installations», a renchéri une autre.

Evenko réclamait cette installation, et ne «voulait rien payer», a confié une des sources.

Denis Coderre aurait signifié à la Société du parc Jean-Drapeau (SPJD) au début de 2014 qu'il n'aimait pas le plan initial en vue du 375de la métropole, trop modeste quant à la question de l'amphithéâtre. Il a aussi fait modifier d'autres éléments du plan de modernisation du parc.

Jacques Aubé, vice-président exécutif d'evenko, serait un proche du maire Coderre. Quand la SPJD hésitait ou posait des questions sur certains points, M. Aubé aurait appelé directement le maire Coderre sur son téléphone portable.

«Vous allez à la pêche», a-t-il commenté quant à cette affirmation.

Denis Coderre ne voit pas de favoritisme envers le Groupe CH ou evenko dans ces révélations.

«Le parc Jean-Drapeau appartient à tout le monde. (...) À la dernière campagne, j'ai dit que je voulais un amphithéâtre parce que j'ai beaucoup d'ambition pour Montréal. On a un site digne du Hollywood Bowl», rappelle-t-il.

«Avoir un amphithéâtre naturel de 65 000 places, de voir un Kent Nagano refaire un Montréal symphonique à cet endroit-là avec en toile de fond la carte postale de la Ville de Montréal», serait une chose extraordinaire, rêve-t-il.

Un tel projet est-il en chantier?

«Moi je pense à ça», répond-il.

«On va être en mesure de recevoir les grands de ce monde. (...) Il n'y a aucune exclusivité là-dedans», répète-t-il, rappelant que la SPJD négocie avec les promoteurs de concerts sans la moindre intervention de la Ville.

«J'étais là quand il pleuvait à siaux et avec toute la bouette (NDLR: au dernier festival Osheaga), on ne reçoit pas le monde là. Woodstock une fois dans ta vie c'est assez. On est en train de se donner des infrastructures comme il se doit», poursuit Denis Coderre, qui cite comme comparable les investissements publics dans le terminal des croisières qui a fait augmenter de 9,8% les visites de croisiéristes en ville.

«Le reste c'est de la spéculation. (...) On a décidé d'en faire un legs du 375e, ça va bénéficier à tout le monde», conclut-il.

Fini l'entente secrète, dit Plante

Son adversaire à la mairie ne le voit toutefois pas du même oeil. «C'est très troublant qu'on ait mis les intérêts d'une compagnie privée devant les intérêts des Montréalais», a quant à elle réagi Valérie Plante.

Soupçonnant que le promoteur evenko bénéficie d'une certaine exclusivité dans l'utilisation du site, la cheffe de Projet Montréal s'est engagée à rendre publique son entente avec la Société du parc Jean-Drapeau. «Absolument. C'est de transparence que les Montréalais souhaitent avoir. Je ne vois pas pourquoi cette entente est gardée secrète. Encore une fois, ça alimente le cynisme de la population face aux décisions prises à l'hôtel de ville.»