Ils ne portent pas de cape ou de masque de justiciers, mais partagent le même désir de voler au secours des citoyens de leur quartier. Des vigiles ont entrepris de patrouiller la nuit dans les rues de Villeray afin d'enrayer la criminalité, une initiative citoyenne que déconseille fortement la Ville de Montréal.

Plusieurs résidants de l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension ont reçu récemment un dépliant les avisant que les membres de la Garde citoyenne du Québec allaient effectuer des patrouilles de vigilance dans leur secteur. La distribution de ces dépliants a soulevé bien des questions dans le quartier, qui a été frappé l'automne dernier par une importante vague de vols.

Fondée il y a tout juste un an, la Garde citoyenne du Québec se présente comme «une organisation supplétive des services d'État québécois». Elle compte une vingtaine de membres qui suivent des cours d'autodéfense afin d'intervenir s'ils sont témoins d'un crime.

«On veut juste aider. Quand je vois une personne âgée se faire voler sa sacoche ou se faire battre dans un guichet automatique, je trouve cela inconcevable. Si en se promenant dans les rues on peut aider une personne ou deux, mon devoir va être fait», dit Patrick Leclerc, président de la Garde citoyenne du Québec.

L'homme dénonce l'apathie de plusieurs lorsqu'ils assistent à des crimes. «Les gens prennent des photos, mais ils n'agissent pas», déplore-t-il.

La Garde citoyenne du Québec dit avoir décidé de patrouiller dans les rues du quartier Villeray après avoir reçu des appels de citoyens inquiets après la vague de vols dont il a été le théâtre l'automne dernier. Le groupe n'en était pas à ses premières patrouilles à Montréal, affirmant en avoir déjà fait l'été dernier dans le parc Saint-Alphonse, d'Ahuntsic-Cartierville, où des agressions avaient été signalées. «Quand j'ai vu qu'il se passait des choses près de chez nous, j'ai décidé de me monter une équipe et d'y aller. On a patrouillé dans le parc deux nuits de temps, relate Frédéric Girard, directeur adjoint de la Garde citoyenne. Le but, c'est pas nécessairement d'arrêter quelqu'un. Mais si on voit que quelque chose se passe, on veut pouvoir informer la police. Juste une présence dans la rue, pour quelqu'un qui veut voler un vélo ou une maison, peut faire qu'il va aller ailleurs», dit Frédéric Girard.

La mairesse est inquiète

Cette initiative citoyenne inquiète toutefois la mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extention, Anie Samson, qui se trouve à être également responsable de la sécurité publique à Montréal. Elle estime que ces gens se mettent inutilement en danger.

«Je déconseille aux citoyens de s'autoproclamer justiciers. On n'est pas aux États-Unis», a affirmé Anie Samson, mairesse de l'arrondissement.

L'élue craint que, loin d'aider à rassurer les résidants de son arrondissement, la présence de ces vigiles risque d'entraîner l'effet contraire. «Ça va créer plus de panique de voir des gens rôder autour de leur maison. Et on ne sait pas c'est qui, la Garde citoyenne. N'importe qui pourrait s'improviser de leur groupe. Au moins, un policier, tu peux avoir confiance.» L'élue refuse de voir une «mini-armée de gens» patrouiller dans les rues de son arrondissement.

Des «survivalistes», pas des miliciens

«On n'est pas une milice, on ne veut pas être perçus comme ça. Je préfère être associé aux survivalistes. Ce sont des gens autonomes, capables de se débrouiller par eux-mêmes. Les gens, aujourd'hui, se fient trop au gouvernement ou à leur ville», dit Patrick Leclerc.

Il reste que la Garde citoyenne a adopté une structure de type militaire, les membres recevant des grades. Dans le «manuel des recrues», on invite ceux qui se décrivent comme des gardiens à «respecter les civils». «En service», ils doivent s'abstenir de consommer drogue ou alcool.

Outre les vigiles, le groupe concentre ses activités dans les formations de secourisme ou «d'autodéfense personnelle et territoriale». Ils offrent ainsi à leurs membres des cours de Systema, des arts martiaux enseignés aux forces spéciales russes. Simplement un cours d'autodéfense.

Enseignant aussi «l'autonomie alimentaire et l'autarcie», le groupe invite les citoyens à ses préparer en cas de catastrophe naturelle. «Il suffit d'un seul séisme majeur pour que Montréal soit à l'image de Port-au-Prince», peut-on lire sur le site du groupe.

Les membres participent d'ailleurs à plusieurs camps de survie. En février, le groupe a simulé une évacuation de l'île de Montréal. Les participants devaient rallier l'«état-major» de la Garde, situé à Saint-Calixte, dans Lanaudière.

La Garde citoyenne du Québec ne limite d'ailleurs pas ses activités à Montréal. Hier, Patrick Leclerc et Frédéric Girard ont pris l'initiative de se rendre à Sainte-Julienne pour distribuer de l'eau embouteillée à une quarantaine de citoyens sans eau courante depuis un mois, à la suite d'une rupture de canalisation. «Quand la Ville ne les aide pas, les citoyens doivent s'organiser eux-mêmes», résume Frédéric Girard.