La Ville de Montréal ne puisera pas seulement dans les poches des propriétaires et des automobilistes pour boucler son budget 2011. Les locataires vont aussi ressentir la hausse de l'impôt foncier, et on appréhende déjà d'importantes augmentations de loyer dans certains quartiers.

L'administration du maire Gérald Tremblay a annoncé mercredi une hausse du fardeau fiscal des contribuables de 4,3%. L'impôt foncier, la taxe d'eau et celle sur la voirie seront augmentés. Ce sont les propriétaires de maison, de logement ou d'immeuble qui paient ces frais une fois l'an. Les locataires voient toutefois une partie de ces hausses se répercuter sur leur loyer, conformément à la loi.

«C'est très clair que la hausse des taxes va faire mal aux locataires. Non seulement parce qu'elle va leur être refilée, mais aussi parce que certains propriétaires en profitent pour augmenter un peu plus», a expliqué François Saillant, du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

Selon M. Saillant, il est faux de croire que le loyer doit être augmenté d'un pourcentage similaire à la hausse de l'impôt foncier. «Ce n'est pas vrai qu'une hausse de taxe de 7% veut dire une hausse de loyer de 7%», dit-il.

Exemple de calcul

Mais comment au juste cette hausse de l'impôt est-elle passée aux locataires? Prenons le cas d'un duplex dont les charges augmenteraient au même rythme que la moyenne montréalaise, soit 4,3%. Si en 2010 l'ensemble de l'impôt foncier représentait 4000$, il grimpera de 172$ en 2011.

Pour le locataire du deuxième étage, logement qui représente règle générale 40% de la valeur du duplex, cela représentera une hausse de 70$ par année. Il devra donc payer près de 6$ par mois pour absorber la hausse de l'impôt foncier décrétée mercredi par Montréal. À cela s'ajoutent l'inflation et le coût des rénovations pour constituer la hausse globale du loyer.

Cette somme n'est pas faramineuse. Mais selon M. Saillant, elle est significative pour les locataires qui peinent à joindre les deux bouts. «À Montréal, il y a 91 000 ménages locataires qui paient plus de la moitié de leur revenu pour se loger. Ces gens-là ne sont plus capables d'en prendre.»

Des quartiers plus touchés que d'autres

Les locataires de certains quartiers paieront moins s'ils logent dans un immeuble dont la charge fiscale a moins grimpé que la moyenne. D'autres, en revanche, paieront beaucoup plus. Dans certains arrondissements, l'impôt foncier moyen augmente bien au-delà de la moyenne montréalaise. C'est le cas dans le Plateau-Mont-Royal (6,80%) et dans le Sud-Ouest (7,30%).

«Le Sud-Ouest est un quartier qui a longtemps été considéré comme exclusivement populaire. En même temps, il est à 10 minutes du centre-ville, à côté des autoroutes, donc il y a une demande énorme du côté de certaines clientèles», explique Mathieu Thériault, porte-parole du POPIR, un comité logement de Saint-Henri.

Dans le Sud-Ouest, la hausse du fardeau fiscal entraînera à elle seule des hausses mensuelles de loyer de 10$ et plus chez plusieurs locataires. «C'est un phénomène de spirale: il y a des augmentations de taxes, donc il y a une augmentation des loyers, constate M. Thériault. La bulle immobilière se nourrit de ce processus.»

Selon François Saillant, la hausse de loyer qui découle de la hausse de l'impôt foncier est particulièrement désagréable pour les locataires puisque, contrairement à celle qu'occasionne le coût de rénovations, la qualité même du logement n'en est pas améliorée.

«Le fait que la valeur foncière environnante ait augmenté n'a pas changé le logement lui-même, dit-il. Les locataires vivent dans les mêmes conditions qu'avant.»