C'est ce qu'on appelle ménager la chèvre et le chou. Incapable de trancher en faveur d'un camp ou de l'autre, la Ville de Montréal a finalement décidé d'accorder un permis commun aux deux groupes se disputant l'organisation de la prochaine Carifête, qui aura lieu le 4 juillet. Cette décision vise manifestement à contenter tout le monde. Mais tout le monde est loin d'être d'accord.

«La communauté caribéenne est actuellement divisée et c'est pourquoi nous avons décidé de travailler avec les deux parties, explique Marcel Tremblay, responsable des communautés culturelles à la Ville de Montréal. Avec deux groupes, ce sera encore meilleur. Personne n'est perdant.»

Comment M. Tremblay compte-t-il faire cohabiter les deux camps dans un seul défilé, considérant que l'un et l'autre ont depuis un bon moment rompu le contact?

Tout simple, selon lui: «On n'aura qu'à mettre les deux parades une en arrière de l'autre. Si un groupe a plus de camions, il se mettra en avant. Le deuxième se mettra en arrière. Il faudra simplement trouver un terrain d'entente sur qui va juger les costumes. S'ils ne sont pas satisfaits, eh! bien, on mettra deux cabanes et ça fera deux groupes de juges. L'important, c'est qu'il y ait une parade. C'est le 35e anniversaire de la Carifête et on y tient.»

Ce singulier compromis ne fait l'affaire de personne.

Du côté de la CCFA (Caribbean Cultural Festivities Association), comme de celui de la MCDF (Montreal Carnival Development Foundation), on est au moins d'accord sur un point: ce verdict n'a aucun bon sens. «C'est une décision irresponsable. Je ne sais pas comment ils peuvent réussir à faire ça. C'est nous qui avons les camions et c'est nous qui avons les assurances!» lance Henry Antoine, de la MCDF.

«C'est de la pure folie, renchérit Everiste Blaize de la CCFA. Qui dirige la Ville? Le maire Tremblay ou Henry Antoine? On voulait un événement dont on pouvait être fiers. Mais cette décision a été prise au mépris de notre fierté. La communauté ne suivra pas, si le défilé est organisé par la MCDF.»

En fait, c'est le CCFA qui gérait jusqu'à maintenant la Carifête. La MCDF a pour sa part été fondée l'an dernier par l'ancien directeur de la CCFA, Henry Antoine. Papier officiel pour papier officiel, chacun prétend être le seul groupe dûment autorisé à organiser l'événement.

«À mon avis, c'était la meilleure façon de gérer ce dossier-là», se défend Marcel Tremblay, en précisant qu'il s'agit d'une «situation temporaire». À mots à peine couverts, celui-ci suggère que la Carifête soit intégrée dès l'an prochain au Grand Charivari, un nouveau carnaval lié au festival Juste pour Rire qui tiendra son premier défilé en juillet prochain. «Ce que je comprends, c'est qu'ils veulent faire participer beaucoup de communautés, résume M. Tremblay. Ils seraient de bons leaders pour faire la meilleure parade en ville.»