Patrick Huard commence à en avoir assez des journalistes qui lui demandent, d'un ton suspicieux, pourquoi il a accepté d'être le porte-parole du Sommet du millénaire. «Il est extrêmement difficile de faire passer un message d'espoir sans récolter des doutes. Les gens qui pensent que je fais ça pour ma carrière, ils me les cassent royalement! Le cynisme est le principal ennemi des progrès que l'on pourrait faire.»

N'empêche que la question se pose: pourquoi avoir choisi un humoriste comme porte-voix d'un sommet dont le très sérieux objectif vise à réduire la pauvreté dans le monde? Et pourquoi mettre en vedette des stars hollywoodiennes comme Val Kilmer (The Doors) et Rebecca Mader (Lost), qui n'ont jamais été reconnus pour leur militantisme à la Bono?

 

La réponse est évidente: pour attirer l'attention. L'organisateur du sommet, Daniel Germain, l'admet du bout des lèvres. «Oui, mais il y a moins d'artistes qu'avant, et plus de gens qui amènent de la chair autour de l'os. Au début, on voulait gagner de la crédibilité et de la notoriété. Mais on n'a jamais voulu être des vendeurs de tickets. On veut se concentrer sur les messages.»

«Les gens ont du temps et de l'argent en quantité limitée. La conférence doit concurrencer d'autres événements. Avoir des célébrités, ça aide dans ce genre de compétition», explique Andrew Cooper, directeur du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale de Waterloo.

M. Cooper appelle ça la «bonoïsation de la diplomatie». Le phénomène a pris une telle ampleur au cours des dernières années qu'il existe maintenant des agences de relations publiques spécialisées dans l'invitation de célébrités à ce genre d'événements.

On note toutefois les premiers signes d'un essoufflement. «La diplomatie des célébrités est devenue trop imposante au goût de certains», dit M. Cooper. Ainsi, au dernier Sommet économique mondial de Davos, en février, il n'y avait pas l'ombre d'une vedette. Pas même Bono. Pourtant, les célébrités avaient pris l'habitude de se presser à Davos comme s'il s'agissait d'un nouveau Cannes...

«Cette année, on a voulu créer une ambiance sobre à cause de la récession, explique M. Cooper. De plus, à Davos, il y a toujours eu beaucoup de tensions à propos de la présence des célébrités, parce qu'elles ont tendance à voler toute l'attention médiatique. Si les journalistes ont le choix entre Angelina Jolie et le président de la Commission européenne, qui pensez-vous qu'ils iront voir?»