Limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius est encore possible, mais l’humanité doit accélérer sa transition énergétique, et les pays comme le Canada devront atteindre la carboneutralité plus tôt qu’en 2050, affirme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié mercredi.

Ce qu’il faut savoir

  • Limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C est encore possible, mais l’humanité doit accélérer sa transition énergétique, affirme l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
  • Les pays riches devront atteindre la carboneutralité plus tôt qu’en 2050, pour donner plus de temps aux pays en développement de le faire.
  • Améliorer l’efficacité énergétique est essentiel et lancer de nouveaux projets d’exploitation des énergies fossiles est inutile.

« Si la voie mondiale vers l’objectif zéro émission nette d’ici 2050 que nous avions tracée précédemment s’est rétrécie, elle reste réalisable », affirme l’organisation internationale établie à Paris dans la mise à jour 2023 de sa « feuille de route » pour l’atteinte de la carboneutralité.

Il est « trop tôt pour abandonner l’objectif de 1,5 °C », y écrit le directeur général de l’organisation, Fatih Birol.

La voie vers la carboneutralité s’est rétrécie notamment parce que les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) du secteur de l’énergie ont continué d’augmenter en 2022, atteignant un record de 37 milliards de tonnes (Gt), soit 1 % de plus que leur niveau d’avant la pandémie, indique l’AIE.

Ces émissions devraient continuer d’augmenter avant que la demande de charbon, de pétrole et de gaz naturel atteigne un plafond, d’ici la fin de la décennie, et commencent à diminuer, ce qui se produira même en l’absence de nouvelle politique climatique, prévoit l’organisation.

PHOTO SIMON MAINA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol

C’est encourageant, mais insuffisant pour atteindre l’objectif de 1,5 °C.

Fatih Birol, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie

« Nous avons les outils qu’il nous faut » pour accélérer la décarbonation, affirme l’AIE, qui estime que les technologies disponibles aujourd’hui permettent de réaliser plus de 80 % des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2030.

L’augmentation des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique, l’électrification ou encore la réduction des émissions de méthane sont autant de solutions « essentielles pour faire baisser la demande de combustibles fossiles », affirme le document.

Le Canada « fait fausse route »

Il est toutefois impératif de mettre en place des politiques bien conçues pour que ces outils se révèlent efficaces, souligne l’AIE.

Le développement des énergies propres et la baisse de la demande en combustibles fossiles dans le scénario à zéro émission nette rendent par ailleurs inutile d’investir dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers, ajoute l’organisation.

« Notre gouvernement, au Canada, fait fausse route en gardant la porte ouverte à ces projets-là », lance Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques d’Équiterre.

L’AIE appelle à poursuivre le développement de nouvelles technologies, notamment de capture du carbone et de production d’énergie propre comme l’hydrogène, mais rappelle qu’il faudra aussi doubler chaque année d’ici 2030 le taux d’amélioration de « l’intensité énergétique ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

L’analyste des politiques climatiques d’Équiterre, Andréanne Brazeau

L’AIE nous invite à repenser la manière d’utiliser nos ressources, même quand elles sont décarbonées ; donc faire mieux avec moins.

Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques d’Équiterre

Mme Brazeau souligne que cette mesure concerne directement le Québec. « On ne peut pas juste penser à augmenter notre production, il faut aussi réduire la demande, optimiser les ressources actuelles, parler de sobriété collective », précise-t-elle.

Plus vite pour les pays riches

Atteindre « zéro émission nette d’ici 2050 au niveau mondial ne signifie pas zéro émission nette d’ici 2050 pour chaque pays », précise l’AIE.

Les économies avancées devront atteindre la carboneutralité plus tôt « afin de donner plus de temps aux économies émergentes et en développement », explique-t-elle.

« D’ici 2035, les émissions doivent diminuer de 80 % dans les économies avancées et de 60 % dans les marchés émergents et les économies en développement par rapport au niveau de 2022 », illustre l’AIE.

« Ça met la barre assez haut pour le Canada », estime Andréanne Brazeau, qui rappelle qu’« on savait déjà [que la cible canadienne pour 2030] est largement insuffisante ».

En route vers la COP28

La mise à jour de la feuille de route de l’Agence internationale de l’énergie pour la carboneutralité intervient à deux mois du début de la conférence des Nations unies sur le climat (COP28), qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis.

Ce rendez-vous climatique annuel offrira d’ailleurs « une occasion unique de renforcer l’ambition » et la mise en œuvre de l’Accord de Paris, souligne l’AIE, un avis partagé par de nombreux observateurs.

« À Dubaï, la présidence de la COP devra montrer à quoi ressemble le leadership de l’après-combustibles fossiles », a notamment déclaré Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat et ancienne ambassadrice de la France chargée des négociations sur le changement climatique.

« Une fois de plus, les données scientifiques sont claires : autoriser de nouveaux projets d’exploitation du pétrole, du gaz et du charbon à ce moment de l’Histoire revient à jeter du gaz au lieu d’eau sur une planète en feu », a affirmé la Canadienne Tzeporah Berman, présidente de l’Initiative pour un traité de non-prolifération des combustibles fossiles.

« Combien de rapports faudra-t-il encore pour que nos gouvernements commencent à écouter et cessent d’autoriser l’expansion des combustibles fossiles ? », s’est-elle interrogée.

En savoir plus
  • 11 000 gigawatts
    Capacité de production d’énergie provenant de sources renouvelables requise dans le monde d’ici 2030 pour demeurer sur la voie de la carboneutralité, soit trois fois plus qu’à l’heure actuelle, ou 296 fois la puissance installée d’Hydro-Québec
    Sources : Agence internationale de l’énergie, Hydro-Québec
  • 4500 milliards
    Investissements annuels (en dollars des États-Unis) à atteindre d’ici 2030 dans les énergies propres pour parvenir à la carboneutralité en 2050
    source : Agence internationale de l’énergie