Des inspections visuelles menées durant l’été tendent à confirmer l’absence de moules zébrées dans une vingtaine de lacs du Témiscouata, au grand soulagement des habitants de la région. Échaudée par la découverte de cette espèce envahissante dans le plus grand plan d’eau du secteur l’automne dernier, la MRC locale obligera dès l’an prochain le lavage surveillé par caméra de toutes les embarcations à moteur.

« C’est une très bonne nouvelle », se réjouit le maire de Pohénégamook, Benoît Morin, qui s’est beaucoup inquiété du sort du lac de la municipalité, connu à travers le Québec pour son légendaire monstre marin, Ponik.

La découverte, l’automne dernier, de la présence de la moule zébrée dans le lac Témiscouata voisin avait semé la consternation dans la région reconnue pour ses nombreux grands plans d’eau, puisqu’elle n’avait jamais été observée aussi au nord ou à l’est dans la province.

Lisez « Le lac Témiscouata envahi par la moule zébrée »

Déjà présente dans le fleuve Saint-Laurent et dans plusieurs grands lacs de l’Estrie, cette espèce envahissante est considérée comme impossible à éradiquer. Dotée de petits poils situés sous sa coquille, elle pond des millions d’œufs par année, se fixe à toutes les surfaces du lac, tue lentement la faune locale et obstrue les canalisations.

Or, pour le moment, « aucune moule zébrée n’a été retrouvée lors de l’inspection visuelle » d’une vingtaine d’autres plans d’eau de la région que le lac Témiscouata, a confirmé le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

Trop tôt pour crier victoire

Il faudra toutefois attendre encore quelques semaines avant de crier victoire puisque des organismes de la région ont installé des collecteurs destinés à la détection de la moule zébrée qui devraient être inspectés durant l’automne. Par ailleurs, les échantillons d’ADN recueillis par le Ministère seront analysés au cours des prochains mois afin d’y détecter la trace éventuelle de la présence de l’espèce, invisible à l’œil nu.

Mais leurs résultats, même s’ils s’avèrent positifs, ne signifieraient pas nécessairement que la partie est perdue, estime la directrice de l’Organisme de bassin versant du fleuve Saint-Jean, Anne Allard-Duchesne.

Même si on a un échantillon qui revient positif, qu’il y a l’ADN de la moule zébrée dans tel lac, tant qu’on ne l’a pas vue de nos yeux, ça se pourrait que ce ne soit qu’un bateau qui soit revenu avec de l’ADN, mais pas la moule vivante.

Anne Allard-Duchesne, directrice de l’Organisme de bassin versant du fleuve Saint-Jean

Le fait qu’une inspection visuelle de plusieurs lacs de la région ait permis de confirmer que la moule zébrée ne s’y trouvait pas est donc tout de même une bonne nouvelle. Au lac Témiscouata, nul besoin de plonger très creux pour apercevoir des moules zébrées, qui parsèment déjà le dessous des quais sortis de l’eau à l’automne.

« On la voit au lac Témiscouata, donc si elle était arrivée au même moment au lac Pohénégamook, on la verrait », dit Anne Allard-Duchesne.

Une première au Québec

La situation est donc de « bon augure », selon le préfet de la MRC de Témiscouata, Serge Pelletier, dont l’organisme regroupe toutes les municipalités de la région.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Moules zébrées trouvées dans le lac Massawippi à l’été 2022

Échaudée par la découverte de la moule zébrée dans le lac Témiscouata l’automne dernier, la MRC a décidé d’agir pour éviter qu’elle ne contamine d’autres plans d’eau de la région.

Dès le printemps prochain, des guérites et des bornes automatisées seront aménagées de façon « uniforme » pour tous les lacs du Témiscouata, indique Serge Pelletier. « On va essayer de restreindre le plus possible les entrées à l’eau pour obliger les gens à se servir des débarcadères publics », explique l’élu.

Le plaisancier qui souhaite mettre à l’eau son embarcation devra d’abord passer à l’une des 13 stations de lavage munies d’un pistolet à pression, où il lavera son bateau sous l’œil d’une caméra. Un billet lui sera ensuite remis pour passer par l’une des guérites de la région.

La grille de tarification n’est pas encore établie, mais la MRC vise un prix d’environ 25 $ pour un habitant de la région et d’environ 50 $ pour quelqu’un de l’extérieur.

« Notre intérêt, c’est d’essayer de réduire le plus possible la possibilité de transposer la moule zébrée dans les autres lacs au Témiscouata », dit Serge Pelletier, qui ajoute que la MRC a investi environ 2 millions dans toutes ces nouvelles installations.

PHOTO VINCENT LARIN, ARCHIVES LA PRESSE

Moules zébrées trouvées au lac Témiscouata en octobre dernier

Si le préfet assure avoir senti une motivation de la part des municipalités de la région à implanter ces mesures, il dit ne pas avoir reçu jusqu’ici l’appui du gouvernement du Québec. Il affirme s’être fait dire par le ministère de l’Environnement qu’il aurait une réponse le 15 juin dernier pour un potentiel financement. Or, près de trois mois plus tard, cette réponse se fait toujours attendre.

« On souhaite que le gouvernement investisse et nous soutienne dans cette démarche parce que ça a un impact financier majeur sur les budgets municipaux », explique M. Pelletier.

Liste des lacs ayant fait l’objet d’une inspection

  • Grand lac Squatec
  • Petit lac Squatec
  • Lac Long
  • Lac Beau
  • Lac Jerry
  • Lac Saint-Mathieu
  • Petit lac Saint-Mathieu
  • Lac des Aigles
  • Petit lac Touladi (SEPAQ)
  • Grand lac Touladi (SEPAQ)
  • Lac Saint-François
  • Lac Pohénégamook
  • Lac de l’Est
  • Lac Frontière
  • Lac Matapédia
  • Lac au Saumon
  • Lac Mitis
  • Lac Casault
  • Lac des Huit Milles
  • Lac Causapscal
  • Lac Saint-Jean

L’histoire jusqu’ici

1986

Première observation en Amérique du Nord de la moule zébrée, espèce exotique originaire d’une région située entre la mer Caspienne et la mer Noire.

2017

La moule zébrée est observée dans certains lacs en Estrie, dont les lacs Magog et Memphrémagog, puis dans le Massawippi, en 2021.

2022

Découverte de la présence de la moule zébrée dans le lac Témiscouata, point le plus au nord et à l’est où elle a été observée jusqu’ici au Québec.