La bagarre verbale entre la Coalition avenir Québec et le Parti libéral du Québec a franchi un nouveau seuil au 10e jour de la campagne électorale, samedi.

La nouvelle salve a été lancée par une députée sortante caquiste, Geneviève Guilbault, qui n'a demandé rien de moins à l'Autorité des marchés publics d'enquêter sur l'affaire des fractionnements de contrat au CHU de Québec alors dirigée par la candidate libérale dans la circonscription de Jean-Lesage Gertrude Bourdon.

Attaquée par les partis d'opposition pour avoir attribué des contrats de gré à gré, la candidate-vedette du PLQ dans la circonscription de Jean-Lesage a fait état samedi d'une situation «exceptionnelle», où ses mains étaient liées. L'ancienne patronne du CHU de Québec assure être restée dans les limites de la légalité.

Du même souffle, Mme Guilbault a aussi reproché au ministre de la Santé, Gaétan Barrette, d'avoir alors défendu Mme Bourdon.

Cette demande se veut sans doute une riposte à l'offensive libérale visant à discréditer un autre député sortant de la CAQ, Éric Caire. Jeudi, M. Barrette avait même suggéré que l'Unité permanente anticorruption (UPAC) fasse la lumière sur le prêt de 55 000 $ fait à M. Caire par le maire d'une municipalité de sa circonscription.

«Nous assistons à un nouveau chapitre du mauvais roman libéral de Philippe Couillard: les manigances de l'administration Barrette/Bourdon. Quand on pense qu'ils sont respectivement pressentis pour être président du Conseil du trésor et ministre de la Santé, on peut se questionner sur la gestion incestueuse des fonds publics qui en découlerait», a déclaré Mme Guilbault.

L'ironie de cette histoire est que Mme Bourdon a été pressentie par la Coalition avenir Québec pour porter les couleurs de la formation. La chose n'a pas échappé au chef du Parti québécois, Jean-François Lisée.

«Mme Bourdon n'arrête pas d'embarrasser les deux partis qui la veulent comme candidate. J'ai dit assez tôt que cette personne n'était pas digne de confiance. Si la CAQ veut continuer à démontrer que M. Legault et son équipe ont manqué de jugement en voulant recruter quelqu'un qui n'est pas digne de confiance, je les laisse faire. L'Autorité des marchés publics a l'autorité pour déclencher ses propres enquêtes et lit les journaux».

Transport aérien régional

M. Lisée s'est rendu sur la Côte-Nord où il a promis de mettre fin au quasi-monopole d'Air Canada, dans le but de réduire le prix des vols en région.

Le chef péquiste s'est dit prêt à indemniser les plus petits transporteurs régionaux, afin de ramener «une saine concurrence» dans l'industrie.

Il propose un mécanisme bien spécifique - qui serait une première, selon le PQ.

Pour chaque trajet régional - mais uniquement à l'intérieur du Québec - le gouvernement établirait un «prix de référence garanti», à l'aide d'experts indépendants. Ce prix ne serait toutefois pas obligatoire. Mais si Air Canada tente de se réapproprier le marché en baissant ses prix, le gouvernement péquiste paierait au concurrent sous attaque la différence entre le prix de référence et le prix annoncé par Air Canada.

«C'est une politique de dissuasion massive», a déclaré M. Lisée en conférence de presse. Il s'agit aussi de la solution privilégiée par les transporteurs aériens régionaux, a-t-il confié. Ceux-ci sont intéressés par certains marchés régionaux et vont venir, «s'ils n'y perdent pas leur chemise».

Trump-le-pas-fin

De passage dans la capitale nationale pour présenter son programme en matière de transport pour Québec, le chef du PLQ Philippe Couillard a bien voulu dire la mauvaise impression que lui fait le président américain Donald Trump.

«Les États-Unis sont un grand ami et allié du Canada, mais clairement M. Trump ne l'est pas, s'est-il désolé. (...) Il n'est certainement pas un allié et ne se comporte pas comme un allié, et pas qu'avec le Canada. Il n'est certainement pas un allié très fort.»

Le chef libéral et premier ministre sortant a rappelé les conditions pour qu'un nouvel accord soit acceptable pour le Québec: aucune concession sur l'exception culturelle; aucune concession sur la gestion de l'offre dans la production laitière; maintien des mécanismes de règlement des différends.

Or les États-Unis réclament de mettre fin au système de gestion de l'offre pour vendre leurs produits laitiers sur le marché canadien.

Si les parties essaient de faire pression sur le Québec pour qu'il plie, elles vont échouer, a assumé M. Couillard.

«Si des gens pensent qu'ils peuvent recourir à cet environnement de cocotte-minute pour arracher des concessions au Québec sur ces enjeux, ils ont tort. Les Québécois sont un peuple excessivement déterminé.»

À bas le privé

De son côté, la caravane de Québec solidaire s'est arrêtée à Val-d'Or où les porte-parole Manon Massé et Gabriel-Nadeau se sont engagés à mettre un terme au financement public des écoles privées dans un délai de quatre ans.

Selon les calculs du parti, près de la moitié des élèves qui fréquentent le réseau privé migreraient alors vers le public. Le ministère de l'Éducation en dénombre un peu moins de 125 000, répartis dans près de 270 établissements.

«Ce n'est pas seulement les élèves qui feraient le transfert, mais également des écoles privées. Avec cette arrivée de nouveaux élèves viendrait l'arrivée de nouveaux bâtiments», fait valoir le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois, qui estime pouvoir ainsi réaliser des économies annuelles de l'ordre de 100 millions $.

En point de presse à Val-d'Or, samedi matin, la candidate solidaire au poste de première ministre, Manon Massé, a souligné que si tous les contribuables financent présentement les subventions aux écoles privées, certains d'entre eux n'ont pourtant même pas accès à un tel établissement dans leur région.

«Ce n'est pas un hasard qu'on a fait cette annonce-là en Abitibi-Témiscamingue. Il faut savoir qu'en Abitibi-Témiscamingue, comme dans plusieurs autres régions au Québec, il n'y a pas d'écoles privées», rappelle M. Nadeau Dubois.

Une pause remarquée

De son côté, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, qui vient de traverser une semaine difficile, marquée par le retrait de l'ancien président du parti, Stéphane Le Bouyonnec, son absence à une conférence de presse multipartite appuyant le système de gestion de l'offre et la controverse entourant Eric Caire, s'est accordé une pause.

Les autres partis ont fait preuve de compréhension envers M. Legault.

«On comprend tout à fait M. Legault de vouloir prendre du temps pour sa famille. Il n'y a rien de reprochable là-dedans», a dit M. Nadeau-Dubois.

«Les autres mènent leur campagne comme ils le veulent», a commenté le chef péquiste Jean-François Lisée interrogé à ce sujet. Il a précisé avoir pris lui-même des vacances au cours de l'été.

Mais une pause au Jour 10 de la campagne? «Je cherche le précédent, peut-être qu'on ne l'a pas encore trouvé», a reconnu M. Lisée.