Les citoyens les ont rebaptisés les «anges» de Lac-Mégantic. Vêtus d'un dossard blanc, ils arpentent les rues de la ville 24 heures sur 24 pour épauler les victimes de la tragédie. Ils sont partout: dans la rue, dans la caserne des pompiers à l'intérieur de la «zone rouge», dans le centre de commandement de la police consacré aux rencontres avec les familles des victimes ou encore sur le parvis de l'église, d'où l'on aperçoit les wagons meurtriers. Les «anges», ce sont les intervenants psychosociaux, dépêchés des quatre coins du Québec au lendemain du drame par le ministère de la Santé.

Il est 10h30, à la polyvalente de Montignac. Ariane Le Blanc et Guylaine Bouchard entrent dans une salle anonyme, devenue leur nouveau quartier général. Elles ne se connaissent pas. La première est une travailleuse sociale de la région de Sherbrooke, l'autre vient de Longueuil. Aujourd'hui, les deux femmes feront équipe.

C'est l'heure du «dispatch». Line Gagné, conseillère clinique en mesure d'urgence, cherche deux intervenantes qui pourront animer une séance de verbalisation auprès de pompiers qui sont arrivés sur les lieux tout de suite après l'explosion. «J'ai besoin de deux personnes aguerries parce qu'ils sont très éprouvés», dit-elle. Elle affecte ensuite des intervenantes à la visite du journal local et du dépanneur du coin, où elles passeront leur quart de travail à discuter avec les clients.

Le chaos

Ariane et Guylaine héritent de la zone 1, qui entoure l'église de la ville. C'est le quartier le plus proche de la zone sinistrée.

Ariane Le Blanc, 30 ans, est arrivée à Lac-Mégantic au premier jour de la tragédie. «On ne se le cachera pas, c'était le chaos», raconte-t-elle en chemin. «À ce moment-là, notre travail, c'était de répondre aux besoins de base, on voulait s'assurer que les gens buvaient de l'eau et qu'ils avaient un toit pour dormir.»

Les deux intervenantes commencent leur journée à l'église. La plupart des personnes qui s'y trouvent sont des touristes. Plusieurs tentent de prendre en photo les restes calcinés du centre-ville. Après quelques rencontres, Ariane et Guylaine décident d'arpenter la rue principale.

Les deux femmes s'arrêtent chez le fleuriste, puis à la brasserie, où un pompier se confie à elles quelques minutes. Dans la rue, les intervenantes recroisent des sinistrés qu'elles avaient rencontrés alors qu'ils étaient hébergés à la polyvalente durant la première semaine. Elles prennent de leurs nouvelles, s'assurent qu'ils reçoivent les bons services. Elles montent sur les balcons, parlent avec des gens qui se bercent. Plus tard, elles prennent de longues minutes pour discuter avec une femme qui en a à ras le bol des médias qui font le pied de grue depuis deux semaines devant sa maison. «Nous sommes beaucoup dans l'informel», explique Ariane.

«Le travail d'aujourd'hui consiste à faire du repérage, ajoute Guylaine. On aide aussi les gens à parler de leurs symptômes par rapport à la tragédie. On leur explique qu'il est normal, les premiers temps, qu'ils ressentent du stress ou de la détresse, mais que le but, c'est que ça se résorbe après un certain temps.»

Les intervenants psychosociaux sont sur le terrain à toute heure du jour et de la nuit. Au plus fort de la crise, 37 d'entre eux étaient déployés sur le terrain par quarts de travail, qui durent généralement 12 heures. Ils sont aujourd'hui environ 25 sur les lieux.

Ils resteront sur le terrain au moins jusqu'à la fin du mois de juillet. La suite des choses n'a pas encore été annoncée.