Après le cours «élections clés en main 101» de mardi, Gilles Cloutier a expliqué hier à la commission Charbonneau comment il faisait pour influencer un élu afin d'obtenir un important contrat. Il a utilisé l'exemple de l'usine de filtration des eaux de Saint-Stanislas-de-Kostka, en Montérégie.

1. L'information

En février 2004, le maire de Valleyfield et préfet de la région, Denis Lapointe, appelle Gilles Cloutier pour lui suggérer d'inviter le maire Maurice Vaudrin à son célèbre cocktail aux Expos. Pour le convaincre, il lui précise que sa municipalité, Saint-Stanislas-de-Kostka, a dans ses cartons un projet d'usine de filtration des eaux d'une valeur de 22 millions.

2. Le cocktail

Lors du cocktail, en avril 2004, Maurice Vaudrin est traité aux petits oignons. Gilles Cloutier mandate deux ingénieurs de Roche pour «s'occuper» du maire durant la soirée et, surtout, s'enquérir subtilement du projet d'usine.

3. Rencontre à l'hôtel de ville

Après la soirée aux Expos, Gilles Cloutier fixe un rendez-vous avec le maire à l'hôtel de ville de Saint-Stanislas-de-Kostka. Maurice Vaudrin le supplie de l'emmener avec son petit-fils voir une partie du Canadien au Centre Bell, ce qu'il accepte.

4. Soirée au Centre Bell

Au Centre Bell, Cloutier sort l'artillerie lourde. Pendant le match, il permet au maire Vaudrin et à son petit-fils de rencontrer Jean Béliveau. Prévoyant, il dit qu'il avait «préparé» l'ex-hockeyeur à cette rencontre en lui donnant un chandail qu'il offrirait au petit, pour ensuite l'autographier. «Je voyais la larme couler après la rencontre avec Jean Béliveau... Je l'avais à 100%.»

5. Demander un contrat

La semaine suivant la sortie au Centre Bell, Gilles Cloutier demande au maire d'offrir à Roche un premier mandat pour l'usine de filtration, ce qui lui permettra d'avoir d'importantes informations sur tout le projet. Le conseil municipal vote une résolution la semaine suivante.

6. Truquer le comité de sélection

À cette étape, Gilles Cloutier prend sur lui d'expliquer au maire Vaudrin comment truquer le comité de sélection qui choisira la firme de génie. Il remet au chargé de projet un exemple de grille de sélection et lui demande d'avoir une note supérieure à 87 sur 100. «Je pense qu'il n'avait jamais vu une grille d'évaluation avant», a dit le témoin. Roche a obtenu 87,9.

7. Choisir l'entrepreneur

En octobre 2005, à la veille des élections, Roche a besoin d'argent comptant pour financer les élections prévues en novembre. Une ingénieure, France Michaud, demande à Cloutier de lui trouver 30 000$ comptant. Il décide donc de confier le contrat de construction à un entrepreneur de sa connaissance, Yves Loiselle. Il convainc le chargé de projet, Éric Bélanger, de manipuler les bordereaux pour avantager l'entrepreneur qu'il a choisi à l'appel d'offres.

8. Contributions illégales

En échange du contrat, l'entrepreneur accepte de verser 30 000$ comptant à Roche, qui le redistribue à des candidats aux élections de Montréal et de Boucherville. L'entrepreneur est loin d'être perdant puisqu'il fera un profit de 1 million avec ce contrat, selon les calculs de Cloutier. Roche en aura aussi pour son argent puisqu'elle décrochera un contrat de 3,3 millions, dont un profit de 600 000$.

9. Convaincre le ministre

Roche a beau avoir le contrat dans la poche, Saint-Stanislas-de-Kostka attend encore sa subvention pour que le projet aille de l'avant. Cloutier affirme avoir parlé au ministre des Affaires municipales de l'époque, Jean-Marc Fournier, pour le convaincre d'attribuer la subvention de 11 millions. «J'ai parlé à Jean-Marc Fournier et la subvention est sortie cinq ou six mois après.»