Cinq ans après la légalisation du cannabis au pays, l’approche du Québec fait bonne figure en matière de santé publique par rapport à d’autres provinces canadiennes et à certains États américains. Même si le prix du cannabis y est plus bas, moins de Québécois en consomment et ils craignent davantage les dangers qui y sont associés qu’ailleurs.

C’est ce qui ressort d’une étude comparative menée par des chercheurs de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et publiée jeudi dernier.

Ceux-ci ont comparé l’évolution de différents indicateurs de santé publique dans la foulée de la légalisation du cannabis à des fins non médicales dans plusieurs États au sud de la frontière, soit au Colorado, en Oregon et dans l’État de Washington. Parmi les provinces canadiennes, l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario ont été retenus comme exemples.

D’abord, parmi tous ces États, le Québec est l’endroit où la consommation a le moins augmenté, souligne-t-on. Qui plus est, la perception des risques qui y sont associés a moins diminué qu’ailleurs au Canada ou dans les États américains étudiés.

« La vaste majorité des mesures suggèrent que la légalisation du cannabis à des fins non médicales n’a pas été suivie d’une augmentation ou d’une diminution statistiquement significative de la consommation d’alcool, de tabac ou d’autres substances psychoactives », souligne également l’étude.

Le régime québécois – élaboré sous le gouvernement libéral de Philippe Couillard, puis modifié par la Coalition avenir Québec – a également été moins défavorable « en matière de mortalité, de morbidité et de facteurs de risque comportemental et situationnel ». L’étude cite l’exemple les admissions pédiatriques en urgence pour des intoxications aiguës au cannabis, qui ont moins augmenté au Québec qu’ailleurs.

Un cadre « plus restrictif »

Et pourtant, la transition du marché noir vers le marché légal, une raison souvent citée pour justifier la légalisation, se produit au même rythme au Québec que dans les autres provinces et territoires canadiens, suggèrent les analyses. À noter qu’aucune étude ne permet une comparaison avec les États américains.

Pour expliquer ces bons résultats du Québec, les chercheurs soulignent d’emblée que l’encadrement de la commercialisation y « paraît plus restrictif […] que dans les autres juridictions examinées ».

Un phénomène qu’ils attribuent à sa gouvernance « qui est à but non lucratif et centrée sur un monopole public de distribution et de vente » sous la gouverne de la Société québécoise du cannabis (SQDC).

Certes, un encadrement plus restrictif de la commercialisation « pourrait par contre se traduire par des prix de vente plus élevés [mais] les prix du cannabis vendu au Québec étaient parmi les plus bas au Canada au moment des analyses », soulignent les chercheurs.

Des zones d’ombre subsistent

Des « restrictions supplémentaires sur les promotions incitatives » sont également citées, notamment le fait que la loi québécoise interdit spécifiquement les rabais temporaires, l’affichage des produits hors des emballages et toute forme de slogans sur ceux-ci.

Cette interdiction touche également la vente d’objets dérivés associés au cannabis, à une marque, à la SQDC ou à un producteur de cannabis – ce qu’aucune autre province ne fait.

Certaines zones d’ombre persistent toutefois quant aux effets de la légalisation. Ainsi, les études disponibles « ne permettent pas de comparer le Québec avec les autres juridictions sur le plan de l’évolution de la criminalité, des sanctions pénales pour usage en public et d’autres phénomènes sociaux », notent les chercheurs.

Même si cinq ans se sont écoulés depuis la légalisation du cannabis au Canada, cette politique « est encore récente », soulignent-ils en conclusion.