(Québec) Une banque alimentaire incapable de répondre à la demande des plus démunis de la capitale demande à la Ville de Québec de lui permettre de s’installer dans l’ancien domicile des Nordiques, le temps qu’elle puisse agrandir ses locaux.

La Bouchée généreuse doit absolument moderniser ses installations, selon ses dirigeants. La hausse des prix à l’épicerie a fait bondir le nombre de familles qui ont besoin de ses paniers. Les locaux actuels sont devenus trop petits.

La Bouchée demande donc à la Ville de Québec de lui trouver un local pendant les travaux, et le vieux Colisée n’est qu’à 200 mètres. « Le Colisée est là et il ne fait rien ! », remarque le coloré directeur général de La Bouchée généreuse, Pierre Gravel.

« On a demandé de s’installer dans le hall du Colisée », ajoute M. Gravel. Il explique en entrevue que la Ville lui a répondu que ce serait impossible, notamment en raison de l’absence de toilettes et de la présence de rats dans l’ancien aréna.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le vieux Colisée de Québec se trouve en face le local actuel de La Bouchée généreuse, à quelques centaines de mètres.

La Ville explique que les problèmes ne se résument pas à la simple présence de rongeurs : le bâtiment ne serait tout bonnement pas en état d’accueillir des gens.

« Vivre avec les pauvres »

Lors du passage de La Presse à La Bouchée généreuse mercredi matin, Pierre Gravel se retrouve au milieu d’un ballet de bénévoles. Ils sont une trentaine à préparer les paniers qui seront distribués le lendemain. L’espace se fait rare. Les bénévoles se marchent presque sur les pieds.

« Les gens auront du lait, de la viande, des légumes, des biscuits », énumère M. Gravel. Les bénéficiaires doivent payer un dollar pour le panier. « Les gens trouvent ça important de payer une piastre. Ce ne sont pas des quêteux », lâche l’homme de 71 ans.

La demande de paniers a explosé. Avant la pandémie et la flambée de l’inflation, La Bouchée distribuait environ 450 paniers par semaine. L’organisme en a distribué 975 la semaine dernière et 1167 avant Noël. « Mais il faut dire qu’on donnait une dinde ! »

Maintenant, explique M. Gravel, il est rare de donner moins de 1000 paniers par semaine. La demande augmente sans cesse, note-t-il, notamment chez les nouveaux arrivants. Les bénéficiaires doivent faire la file dehors, faute d’espace à l’intérieur, même par temps froid. « Ça, ça me fend le cœur, mon bon monsieur. »

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Carol Bolduc, bénévole à La Bouchée généreuse, prépare des denrées alimentaires pour la distribution du lendemain.

La Bouchée généreuse cherche donc à agrandir ses installations. La direction rencontre un entrepreneur la semaine prochaine. Une collecte de fonds est en préparation. Le budget estimé est de 7 millions de dollars.

Tout avance, sauf une chose : l’organisme n’a pas trouvé de local où déplacer sa banque alimentaire le temps des travaux, dont la durée n’est pas encore connue. Trouver un local dans le quartier Limoilou s’est avéré difficile.

« On a besoin que ce soit accessible en transports en commun, qu’il y ait un stationnement », énumère la directrice adjointe et fille de Pierre, Marie-Pier Gravel.

« Il y a plein de gens qui ne veulent pas de banque alimentaire dans leurs locaux. Disons qu’on louerait le premier étage et qu’au deuxième il y ait des bureaux, dit-elle. Alors les gens des bureaux ne veulent pas de banque alimentaire en bas. Ils ne veulent pas vivre avec les pauvres pendant une journée. »

Un Colisée qui ne peut accueillir de visiteurs

La Bouchée demande depuis des mois l’aide de la Ville de Québec, et une rencontre avec le maire Bruno Marchand. « Le maire n’a jamais voulu nous rencontrer », dit M. Gravel.

Rappelons que la Ville de Québec a entamé une consultation publique sur l’avenir du vieil amphithéâtre. L’administration Marchand évalue l’idée de raser le vieux bâtiment pour faire place à un petit quartier résidentiel. En attendant, la Ville loue une partie de l’ancien amphithéâtre au Festival d’été de Québec, qui y entrepose ses équipements.

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Selon le directeur général de La Bouchée généreuse, Pierre Gravel, il est rare de donner moins de 1000 paniers par semaine.

Pour les Gravel, la solution se situe juste en face de leur local actuel, où se trouvent le vieux Colisée de même que le pavillon de la Jeunesse et d’autres bâtiments municipaux. Mais La Bouchée dit avoir reçu une fin de non-recevoir de la part de la Ville pour une relocalisation dans ces locaux.

« Au Colisée, ils nous ont dit qu’il y a des rats. Mais des exterminateurs, ça existe ! On va les engager, lance Pierre Gravel. Ils nous ont dit : il n’y a pas de toilettes. Écoutez, moi, demain matin, je fais un message sur Facebook pour dire qu’on a besoin d’installer des toilettes dans la bâtisse, j’ai trois entrepreneurs qui lèvent la main pour nous aider. »

L’ancien domicile des Nordiques se trouve à un jet de pierre de La Bouchée.

On pourrait avoir une bâtisse à Sainte-Foy demain matin. Mais les gens de Limoilou n’iront pas à Sainte-Foy. Notre cœur, c’est ici. On ne veut pas changer de paroisse.

Pierre Gravel, directeur général de La Bouchée généreuse

La Ville assure qu’elle « accompagne La Bouchée généreuse dans le développement de son projet de construction » et a notamment payé les analyses de sol.

« Quant à la relocalisation, la Ville est bien au courant. Malheureusement, il n’y a pas de locaux appartenant à la Ville qui répondent aux critères de l’organisme (superficie, localisation à proximité, disponibilité du transport en commun…) », indique un porte-parole.

Selon la Ville, le Colisée, « ne dispose plus des commodités d’usage et des systèmes de sécurité aux normes pour ce type d’activité et pour l’accueil de visiteurs ».

La Bouchée généreuse se dit prête à payer un loyer à la Ville et même à assumer une partie des assurances du Colisée. En attendant, l’incapacité de trouver un local temporaire ralentit le projet d’agrandissement, se désole M. Gravel.