La famille d’Amélie Champagne aurait dû insister pour rencontrer son psychiatre traitant avant qu’elle n’obtienne son congé à la suite de sa deuxième visite à l’hôpital pour des idées suicidaires.

C’est ce qu’a estimé la présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, la Dre Claire Gamache, mercredi, à l’enquête publique du coroner sur la mort de la jeune femme, des propos qui ont semé la consternation chez ses proches.

« Ce n’est pas de la laisser là [à l’hôpital], c’est de dire : on veut être rencontrés avant de repartir avec elle, elle va rester là avant qu’on soit rencontrés », a affirmé la psychiatre venue faire part de ses recommandations pour éviter qu’un tel drame ne se répète.

« Je sais, c’est effrayant ce que je vais dire », avait-elle pris soin de répéter juste avant, visiblement consciente de l’effet de ses paroles sur les membres de la famille d’Amélie Champagne qui suivent attentivement le déroulement de l’enquête au palais de justice de Montréal.

« C’est effrayant, oui », a d’ailleurs répondu, du tac au tac, le père d’Amélie Champagne, Alain Champagne.

Dans la semaine ayant précédé sa mort, à l’automne 2022, sa fille avait visité deux urgences psychiatriques et fait une première tentative de suicide.

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Lors de cette deuxième visite, au CHU de Sherbrooke, Amélie Champagne était restée en observation durant trois jours sur une civière dans un couloir, une situation qui ne convenait pas à sa situation, elle qui souhaitait se reposer, a reconnu la Dre Claire Gamache mercredi.

Des unités « très agitées »

Cette dernière a brossé un portrait sombre de l’état des unités psychiatriques au Québec, des endroits souvent « très agités » où se trouvent toutes sortes de patients. Les séjours peuvent donc parfois y être « très traumatiques », surtout pour des usagers comme Amélie Champagne.

« On s’entend tous que ce n’est pas les meilleures pratiques, surtout pour une jeune fille qui n’est pas habituée de fréquenter les services psychiatriques », a estimé Claire Gamache.

Mais avant qu'elle quitte le service, comme elle l’a fait avec ses parents, le surlendemain de son entrée en psychiatrie au CHU de Sherbrooke, ceux-ci auraient dû insister pour rencontrer le psychiatre responsable du dossier d’Amélie, a poursuivi la médecin.

Par l’entremise d’un contact, ses parents avaient finalement réussi à obtenir qu’elle soit vue au CHUM, à Montréal, au début de la semaine suivante. Ce rendez-vous n’aura toutefois pas eu lieu puisqu’elle a mis fin à ses jours entre-temps.

« Il faut qu’on outille les familles à demander des services pertinents », a toutefois insisté la Dre Gamache ajoutant plus tard que « quelqu’un comme Amélie […] aurait eu besoin de quelqu’un d’assez exceptionnel pour l’entendre à l’urgence ».

Face aux parents d’Amélie Champagne, la Dre Gamache a éclaté en sanglots à la fin de son témoignage, déclarant « qu’on est profondément désolés que ce genre de drame là arrive ».

La première semaine de l’enquête publique, à la mi-décembre, a porté sur les circonstances de la mort de la jeune femme. La deuxième est consacrée aux recommandations de diverses parties.

L’Ordre des psychologues du Québec et l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec ont également fait part de leurs recommandations mercredi.