Mauvaise nouvelle pour les amours à distance : le délai de traitement pour une demande de parrainage d’un conjoint vivant dans un autre pays a bondi à 41 mois, au Québec. Presque quatre fois plus long qu’ailleurs au Canada, où il est de 12 mois.

L’écart s’explique principalement par le quota imposé par le gouvernement Legault dans la catégorie du regroupement familial.

Cette année, sur un total de 52 500 immigrants permanents, Québec compte n’admettre que 10 400 personnes en regroupement familial. Comme il y a beaucoup de demandes, 38 400, et un nombre de places restreint, le délai de traitement explose. Il est passé de 12 mois, il y a un an, à 41 mois, le 5 décembre. Cela affecte surtout des couples et leurs enfants.

Paradoxalement, près de la moitié des 38 400 personnes en attente en regroupement familial ont vu leur demande approuvée par le gouvernement du Québec, et détiennent le fameux certificat de sélection du Québec (CSQ). Autrement dit, le Québec leur a dit oui, mais ne leur ouvre pas la porte.

« Deux ans sans pouvoir tenir mon fils dans mes bras, je n’en peux plus », témoigne Joane Alexandre, une Haïtienne mariée à un Québécois d’origine haïtienne, Ralph Alcide, qui travaille dans le milieu de la construction à Montréal. Son fils, Marveen, âgé de 6 ans, vit avec son père depuis deux ans, en raison de la crise humanitaire en Haïti.

« Je pleure toujours, dit-elle. C’est dur à supporter. »

Leur demande de parrainage a été déposée en juin 2022 à Immigration Canada. Peu après, Mme Alexandre a obtenu le CSQ, mais son dossier est bloqué depuis 11 mois.

C’est aussi le cas de la Montréalaise Mylène Ronco, qui tente depuis avril 2022 de parrainer son mari colombien, père de ses deux enfants. « Je ne peux pas croire qu’on va attendre encore presque deux ans », se désole-t-elle.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Mylène Ronco tente de parrainer son mari colombien depuis avril 2022.

« C’est terrible. C’est un énorme poids de vivre comme ça. »

Questionnée au sujet de ces délais par le député libéral Monsef Derraji, mercredi, la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), Christine Fréchette, s’est bornée à dire que le plan d’immigration pour 2023, déposé en novembre, a été « regardé, analysé par l’ensemble des gens qui sont ici présents ». « Il n’y a pas de cachette par rapport au plan que nous avons adopté », a-t-elle dit en tentant de renvoyer la balle à Ottawa pour les délais de traitement, pourtant provoqués par les seuils imposés par Québec.

Cette attente est de 12 mois dans les autres provinces pour un conjoint vivant à l’étranger. Et elle est de 10 mois pour un conjoint établi au Canada.

Pour réunir temporairement les familles en attente d’un parrainage, Ottawa a annoncé en mai de nouvelles mesures, dont l’accélération des délais de traitement des demandes de visa de visiteur pour les conjoints. Mais, dans les faits, plusieurs demandes sont refusées, parce que l’agent d’Immigration Canada n’est pas convaincu que la personne va retourner dans son pays à l’expiration du visa.

C’est le cas de Joane Alexandre, qui ne s’explique pas la décision des autorités, sachant que, dans le cas du regroupement familial, le parrain est responsable de l’immigrant.

Surtout des citoyens canadiens

Le collectif Québec réunifié, qui compte plus de 1100 membres, a sondé 230 personnes en attente d’une décision en regroupement familial, du 2 au 5 décembre. Résultat : les trois quarts des parrains sont des citoyens canadiens, estime le regroupement. L’autre quart est composé de résidents permanents. Plusieurs parlent déjà le français ou ont l’intention de l’apprendre en arrivant au Québec.

  • PHOTO IMAGES FOURNIES PAR LE COLLECTIF QUÉBEC RÉUNIFIÉ

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En outre, 99 % des parrains peuvent héberger leur partenaire. Le logement n’est donc pas un enjeu.

Dans le contexte actuel, plusieurs s’attendent à ce que le délai de 41 mois s’allonge encore dans les prochaines semaines. « C’est vraiment terrible et ça va continuer d’augmenter malheureusement », prévoit le député solidaire Guillaume Cliche-Rivard, qui a longtemps travaillé comme avocat en immigration.

« Je pense que ça va monter en janvier, de quelques mois de plus, précise-t-il, ajoutant que ces longs délais vont sans doute pousser des familles québécoises à déménager en Ontario pour pouvoir vivre avec leur conjoint plus rapidement.

Fait à signaler : les résidents non permanents, travailleurs étrangers temporaires ou étudiants étrangers, peuvent venir ici avec leurs conjoints et leurs enfants.

« Un citoyen canadien a moins de droits, au Québec, qu’un résident temporaire », déplore Nathalie Coursin, membre de Québec réunifié.