Les parents feront peut-être le saut en faisant le tri des bonbons d’Halloween de leurs petits monstres : certaines des sortes les plus populaires ont un emballage six fois plus volumineux que les friandises elles-mêmes. Et rares sont les déchets qui seront recyclés ; la plupart finiront au site d’enfouissement.

Sur le forum de discussion Reddit, c’est le sachet de M&M’s aux arachides, qui contient cinq minuscules bonbons colorés (et parfois seulement quatre), qui a fait le plus fortement réagir les internautes, à la mi-septembre, lorsqu’ils sont apparus sur les tablettes des épiceries.

Mais ce ne sont pas les pires, selon des mesures de volume effectuées par La Presse. À l’aide d’un vase à trop-plein, d’un cylindre gradué et d’un poids pour lester dans l’eau les sachets remplis d’air, nous avons comparé le volume en centimètres cubes occupé par l’emballage scellé à celui du produit qu’il contient.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Nous avons comparé le volume en centimètres cubes occupé par l’emballage scellé à celui du produit qu’il contient.

Notre méthode n’a pas la prétention d’être scientifique, mais elle permet de comparer les ratios d’emballage des produits les uns aux autres avec une certaine constance. Elle est inspirée d’une campagne menée en France par le groupe de pression FoodWatch pour dénoncer le « plein de vide » dans les emballages.

Sur les 18 produits que nous avons mesurés, les jujubes Maynards (Sour Patch Kids, mûres suédoises, poissons suédois et Fuzzy Peach) sont ceux qui se sont le moins bien classés, avec un volume d’emballage de 3 à 5,6 fois celui des friandises contenues dans le sachet de plastique.

La miniboîte de Smarties fait aussi mauvaise figure (trois fois le volume d’emballage pour le volume de bonbons), mais comme il s’agit de la seule friandise de notre test emballée dans du carton, plusieurs experts consultés pour cet article ont indiqué qu’il s’agit d’un des seuls produits véritablement recyclables.

Nos mesures montrent que les sachets contenant de très petits bonbons, comme les M&M’s et les Reese’s Pieces, ont environ deux fois plus d’emballage que de sucreries.

Incinérés pour être revalorisés

Même s’ils sont faits de plastique ou de papier glacé, ces emballages ne sont dans les faits presque jamais recyclés, pour des raisons d’efficacité dans les centres de tri. « C’est une matière tellement mixte et variée qu’on n’est pas capables de trouver quelqu’un qui va recycler proprement et adéquatement ces emballages », explique Anick Leblanc, directrice des ventes et du marketing chez MultiRecycle, une entreprise spécialisée dans le recyclage de matières « orphelines » dans les entreprises.

PHOTO FOURNIE PAR EFFET PH

Des sacs de bonbons d’Halloween récoltés dans des sites de collecte par Effet PH, afin de les trier et de les acheminer dans un centre de recyclage.

Pour la deuxième année consécutive, MultiRecycle organise une collecte d’emballages de bonbons d’Halloween, notamment dans les écoles de la région montréalaise, afin de les revaloriser. Les emballages sont regroupés et acheminés dans une usine de Chambly, où ils sont incinérés, afin de produire de l’énergie qui sert à chauffer de l’eau dont la vapeur alimente des turbines pour produire de l’électricité.

J’insiste sur le mot “revaloriser”, parce que ce n’est pas un programme de recyclage. Nous détournons les emballages qui iraient normalement vers les dépotoirs, pour en faire une revalorisation énergétique.

Anick Leblanc, directrice des ventes et du marketing chez MultiRecycle

« C’est une campagne de sensibilisation pour que les gens comprennent que l’activité de l’Halloween produit des déchets et que les centres d’enfouissement, qui se remplissent de ces matières, sont en fin de vie », explique Mme Leblanc.

En 2019, le groupe de pression Effet PH, qui fait la promotion du minimalisme et organise des formations sur l’écoresponsabilité, a lancé un projet-pilote similaire, qui a permis de recueillir des emballages de bonbons dans des dizaines d’écoles afin de les acheminer dans des centres de recyclage. « Notre constat, ç’a été que les gens mettent vraiment n’importe quoi dans les boîtes de collecte. On a trouvé des cœurs de pommes, des pots de yogourt. C’est énormément de travail, ça nous a coûté de l’argent, et au bout du compte, on ne sait même pas s’ils ont vraiment été recyclés », regrette Hélène Boissonneault, cofondatrice d’Effet PH.

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Sur les 18 produits que nous avons mesurés, les jujubes Maynards (Sour Patch Kids, mûres suédoises, poissons suédois et Fuzzy Peach) sont ceux qui se sont le moins bien classés. Les M&Ms et la miniboîte de Smarties font aussi mauvaise figure.

La faute de la « réduflation » ?

Difficile de dire si le volume de bonbons dans les sachets a réduit récemment en raison de l’inflation, faute de données historiques facilement accessibles à ce sujet. « Dans un contexte de “réduflation”, il n’est pas impossible qu’il y ait un M&M’s de moins dans l’emballage », affirme toutefois Geneviève Dionne, spécialiste de l’écoconception et de l’économie circulaire chez Éco Entreprises Québec, un OBNL qui aide les entreprises à améliorer leurs pratiques en la matière.

Selon elle, il faut toutefois demeurer prudent avant de parler de suremballage « dans le contexte particulier des bonbons d’Halloween ». « On ne peut pas avoir un plat de paparmanes et demander aux enfants de piger dedans. L’emballage joue à la fois un rôle de sécurité et de préservation des friandises. Même si les bonbons sont consommés rapidement, on peut aussi être malade, ils ont une date de péremption », souligne-t-elle.