La communauté juive hassidique de Boisbriand n’a pas à payer de taxes municipales sur ses écoles, comme le réclame la Ville depuis des années, puisqu’il s’agit d’« institutions religieuses », a tranché la Cour d’appel, confirmant un précédent jugement.

Cette décision a pour effet de priver les coffres municipaux de plusieurs millions de dollars, puisque les immeubles en question valaient environ 16 millions en 2014, lorsque le litige a éclaté.

Selon la Loi sur la fiscalité municipale (LFM), les édifices détenus ou utilisés par des institutions religieuses sont exemptés de taxes foncières.

Dans le cas de la communauté hassidique de Boisbriand, tous s’entendent sur le fait que les activités se déroulant dans chacun des bâtiments concernés, notamment l’« école des filles » et l’« école des garçons », sont des activités religieuses : étude des livres sacrés, enseignement de la religion, des rites et des préceptes de la religion juive hassidique.

Pas d’enseignement

« Les enfants qui fréquentent ces écoles ne reçoivent pas d’enseignement laïque, n’apprennent pas le français ou l’anglais, les mathématiques, l’histoire ou la géographie. Ils ne reçoivent que de l’éducation religieuse, l’enseignement des us et coutumes hassidiques. L’éducation de ces enfants se fait entièrement ailleurs, à la maison par les parents, lesquels feraient l’objet d’une certaine supervision des autorités scolaires locales ou régionales », peut-on lire dans le jugement de la Cour du Québec, rendu en août 2020.

Or, il y avait mésentente au sujet de l’application de la loi, puisque le propriétaire des immeubles est le Centre communautaire religieux hassidique (CCRH). S’agit-il d’une institution religieuse aux termes de la loi ?

En octobre 2018, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) avait décrété que non, puisque le CCRH n’exerçait aucune autre fonction que la propriété d’édifices. Selon la décision du TAQ, en ouvrant la porte à l’exemption fiscale pour le CCRH, on risquait de se retrouver avec d’autres organisations « qui ajouteront le mot “religieux” à leur nom pour réclamer une exemption ».

Cette décision a été cassée par la Cour du Québec deux ans plus tard. C’est ce dernier jugement qui vient d’être confirmé par la Cour d’appel, vendredi.

L’exemption fiscale prévue en faveur des institutions religieuses dans la LFM « doit être interprétée et appliquée de façon large, libérale, fluide et contextuelle plutôt que de façon pointilleuse ou stricte », écrivent les juges Geneviève Marcotte, Michel Beaupré et Peter Kalichman, de la Cour d’appel.

Une institution religieuse peut être simplement un groupement organisé de personnes ayant pour but de pratiquer leur foi ou leur croyance religieuse, rappellent-ils.

La TAQ a fait preuve de trop de « rigorisme » dans sa décision, ce qui est contraire à l’objectif de la loi, poursuivent-ils. Même si le CCRH ne fait que détenir les bâtiments pour les mettre à la disposition de la communauté à des fins religieuses, ça ne l’empêche pas d’être considéré comme une institution religieuse.

La Ville de Boisbriand a déjà dû rembourser 2,13 millions au CCRH en taxes municipales payées en trop pour les années 2013 à 2016, intérêts compris. S’il devait payer des taxes municipales sur ses bâtiments, le compte de taxes du CCRH s’élèverait à 382 000 $ par année, selon la Ville, qui a réagi en se disant « déçue » du jugement.

« Nous sommes à étudier la décision pour décider si nous la portons ou non en appel », a indiqué la directrice des communications, Bianca Desrosiers.

La Ville a refusé de dévoiler le montant des frais judiciaires encourus jusqu’à maintenant dans cette affaire, demandant à la journaliste La Presse de faire une demande en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.