Des membres de la communauté atikamekw ont défilé jeudi vers l’hôpital de Joliette pour « honorer la mémoire » de Joyce Echaquan, cette mère de famille ayant perdu la vie il y a trois ans jour pour jour sous une pluie d’insultes racistes dans l’établissement de santé.

L’invitation à la marche avait été lancée par le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière, ainsi que par le Conseil de la Nation atikamekw et le Bureau du Principe de Joyce.

Certaines personnalités politiques étaient sur place, dont le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, et le député de Joliette, François St-Louis.

Joyce Echaquan est morte le 28 septembre 2020 à l’hôpital de Joliette dans des circonstances troublantes. Son état avait été mal évalué et des préjugés concernant la clientèle autochtone avaient mené les professionnels de la santé à juger qu’elle était en sevrage de narcotiques.

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La marche a été organisée pour honorer la mémoire de Joyce Echaquan.

« On fait ça pour pouvoir marquer cette journée, mais aussi pour dire à la famille et aux enfants de Joyce qu’on a fait des avancées dans les dernières années, que ça aboutit à de réels changements sur le terrain », affirme la directrice du Centre d’amitié autochtone de Lanaudière, Jennifer Brazeau.

Elle soutient que le discours public est aujourd’hui plus ouvert aux enjeux autochtones. Selon elle, les personnes en position de pouvoir – notamment dans le réseau de la santé – ont aussi beaucoup plus d’écoute qu’avant à l’égard des communautés autochtones.

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Les marcheurs se sont rendus à l’hôpital de Joliette.

« Cela dit, ça prend encore quelque chose qui va au-delà de la volonté politique. Ça prend encore des changements systémiques dans les institutions », estime Mme Brazeau, qui ne cache pas sa « déception » de voir le gouvernement de François Legault continuer de nier l’existence du racisme systémique.

Impatience

Un an après la mort de Mme Echaquan, en octobre 2021, la coroner Géhane Kamel avait recommandé au gouvernement Legault de « reconnaître l’existence du racisme systémique » et de prendre « l’engagement de contribuer à son élimination ». À ce jour, le gouvernement ne l’a pas fait, réitérant plutôt que le racisme existe, mais qu’il n’y a pas de système responsable ou raciste en lui-même.

Dans un mot lu devant la foule, le conjoint de Joyce Echaquan, Carol Dubé, s’est demandé « pourquoi trois ans plus tard, après des preuves indéfectibles, nous devons revendiquer encore auprès du gouvernement du Québec de nous faire entendre ».

« Pourquoi attendons-nous encore que ceux qui ont le pouvoir de décider se mettent en action ? […] Pourquoi tous ces jeux de coulisses et de relations publiques, plutôt que les changements dont nous avons besoin ? », a dénoncé M. Dubé, en déplorant que le Principe de Joyce ne soit pas encore adopté. « J’espère que l’an prochain, nous pourrons commémorer l’ensemble de l’héritage de Joyce, celui d’un seul changement. »

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L’invitation à la marche avait été lancée par le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière, ainsi que par le Conseil de la Nation atikamekw et le Bureau du Principe de Joyce.

Sipi Flamand, le chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, n’a pas non plus mâché ses mots. « On ordonne au gouvernement d’adopter le Principe de Joyce. Ce soir, on est en colère parce que le gouvernement ne nous entend pas », a-t-il lancé, en invitant le ministre Ian Lafrenière à « amener ce message à Québec ».

Québec se dit à l’écoute

Joint au téléphone après le rassemblement, M. Lafrenière a assuré qu’il « entend les revendications » de la communauté.

Il y a plusieurs éléments dans le Principe de Joyce sur lesquels on est d’accord, sauf que je ne fais pas semblant, ça commande de reconnaître le racisme systémique et vous connaissez notre position.

Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit

« Il y a beaucoup de choses qui ont changé, mais d’autres vont demander encore plus de temps. On a encore beaucoup d’énergie à mettre et on n’a aucunement la prétention que tout est réglé, au contraire. On va continuer, on va être dans l’action », a poursuivi le ministre.

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Le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière

L’élu caquiste dit d’ailleurs avoir été particulièrement marqué jeudi soir « par la présence de nombreux allochtones », aux côtés des Atikamekw. « Moi, ça me donne espoir, parce qu’on ne peut pas travailler chacun de notre côté, il faut qu’on le fasse ensemble. »

« Le pouvoir politique a choisi de s’isoler dans un déni tout à fait inacceptable », a de son côté martelé le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard. « Il n’y a aucun Autochtone qui en veut à la société québécoise. Ce qu’on veut de votre part, c’est d’écouter et comprendre la détermination qui nous anime. »

Réintégration d’une préposée congédiée : le CISSS de Lanaudière fait appel

Le CISSS de Lanaudière, lui, a de son côté confirmé jeudi qu’il refuse de réintégrer la préposée aux bénéficiaires qui avait été congédiée dans la foulée de la mort de Joyce Echaquan. En août, un arbitre en droit du travail avait conclu que la préposée Myriam Leblanc, congédiée dans la foulée de la mort de Joyce Echaquan, l’avait été injustement, et demandait au CISSS de Lanaudière de la réintégrer, mais surtout de lui payer le salaire qui lui est dû. Cette décision a officiellement été « portée en appel » le 18 septembre dernier, a confirmé jeudi la porte-parole du CISSS, Bianca Desrosiers, dont l’organisme se dit « en désaccord » avec l’interprétation du tribunal.