Les règles à ce sujet sont remises en question dans plusieurs municipalités

Un citoyen de Magog qui a reçu un avis d’infraction de la municipalité pour avoir laissé la végétation dépasser 15 cm sur son terrain ne recevra finalement pas d’amende. Le règlement dictant cette hauteur maximale sera discuté à l’automne, a fait savoir la Ville.

« Ça n’ira pas plus loin. Je n’aurai pas besoin de passer la tondeuse : je n’ai pas de tondeuse », s’est réjoui Mathieu Roy en entrevue téléphonique lundi matin, quelques minutes après le passage d’une urbaniste de la Ville à sa résidence du quartier des Tisserands, à Magog.

« Vous devez couper l’herbe haute et les broussailles sur l’ensemble de votre propriété et prévoir quelques tontes annuelles afin de vous conformer à la réglementation municipale », lui a ordonné un avis d’infraction reçu de la Ville daté du 1er août.

M. Roy et sa conjointe ont arraché l’asphalte et la majorité du gazon autour de leur duplex acquis il y a six ans. L’arrière est occupé par des plantes comestibles, et l’avant par des plantes indigènes, à l’exception d’un carré de pommes de terre.

PHOTO JEAN ROY, LA TRIBUNE

Vue aérienne du terrain de Mathieu Roy et de sa conjointe

Selon la réglementation municipale, « est interdit le fait pour le propriétaire d’un terrain recouvert de gazon de le laisser pousser à une hauteur excédant 15 centimètres, ainsi que celui situé dans l’emprise de la voie publique ».

Repositionnement

Les contrevenants sont passibles « d’une amende de 50 $ à 600 $ », note la lettre de la municipalité.

Il y a plusieurs années que je rêve de recevoir cet avis, car je crois que c’est un règlement archaïque qui n’a pas lieu d’être et je serais heureux de défendre cette cause en cour.

Mathieu Roy, dans sa réponse à la Ville

La correspondance a été partagée dans Facebook et l’histoire a été reprise dans des médias locaux. « La Ville de Magog n’émettra pas de constat d’infraction aux citoyens avant de s’être repositionnée sur le sujet », a indiqué la mairesse de Magog, Nathalie Pelletier, dans une déclaration par courriel lundi.

Le règlement sera discuté à l’automne dans une commission de la Planification et du développement du territoire. « Les élus pourront ainsi se positionner et voir s’il y a lieu de nuancer le règlement », a mentionné Mme Pelletier, qui dit avoir « appris l’existence de cette situation dans les médias ».

Le gazon et les herbes dépassant 15 cm de hauteur génèrent environ cinq avis d’infraction par an dans cette municipalité de l’Estrie. Le but n’était pas de provoquer une confrontation, mais « d’ouvrir la discussion », dit M. Roy, qui a envoyé des suggestions par écrit à la Ville lundi.

Partisan de la biodiversité, ce père de trois jeunes enfants propose notamment un « concept 50/50 », soit l’obligation d’aménager autre chose que de la pelouse sur la moitié non construite d’un terrain.

PHOTO JEAN ROY, LA TRIBUNE

Mathieu Roy et sa famille

Son propre terrain n’abrite pas d’herbe à poux, et les seules plantes qu’il y a arrachées sont des pissenlits dont les feuilles « retombaient un peu sur le trottoir », assure-t-il. « Les humains, on est un peu en train de se détacher de ce qui nous soutient, l’environnement », déplore celui qui dit avoir été inspiré par le combat de citoyens de Québec.

Après avoir mis des résidants à l’amende pour avoir fait pousser des potagers en façade, la Ville de Québec a finalement autorisé ces aménagements en 2019. D’autres municipalités, dont Drummondville et La Prairie, ont reculé devant le tollé suscité par leurs constats d’infraction, et autorisé le jardinage sur rue.

Lisez « Controverse autour d’un potager à Drummondville » Lisez « Une citoyenne de La Prairie forcée de démanteler son potager »

D’autres exemples

La fronde contre le gazon semble maintenant s’étendre aux plantes non comestibles. À l’Île-du-Prince-Édouard, un résidant de Charlottetown mis à l’amende par la Ville promet de contester le règlement municipal, rapportait récemment Radio-Canada.

Lisez « Un propriétaire de résidence défie un règlement municipal sur la longueur du gazon »

À Québec, la réglementation qui limite la hauteur de la végétation à 20 cm « est en cours de révision […] afin qu’elle puisse permettre et favoriser les aménagements de biodiversité sur les terrains privés », nous a indiqué la Ville par courriel. À Salaberry-de-Valleyfield, herbes et broussailles ne doivent pas dépasser 60 cm sur les terrains vacants, et 10 cm sur les terrains résidentiels. Environ 170 avis d’infraction ont été donnés en 2022, et 150 depuis le début de 2023.

L’amende minimale va de 100 $ à 2000 $, auxquels la Ville peut ajouter des frais de fauche si le propriétaire tarde à couper la végétation. Il s’agit d’un règlement harmonisé, appliqué dans toute la MRC de Beauharnois-Salaberry.

Salaberry-de-Valleyfield mène toutefois des projets pilotes de pelouse fleurie sur des terrains municipaux et privés, avec une tolérance de plus de 10 cm. « Éventuellement, on pourra voir à faire évoluer le règlement en conséquence, mais il va falloir qu’on passe par un chapeau plus large qui est celui de la MRC », explique une porte-parole de la Ville, Anne-Marie Lefebvre.

À Montréal, la hauteur maximale du gazon est déterminée par chaque arrondissement. Si plusieurs, dont Pierrefonds-Roxboro, Outremont et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, la limitent à 15 cm, la tolérance peut aller jusqu’à 30 cm, comme dans Rosemont–La Petite-Patrie.