Après deux mobilisations nationales plus tôt cette année dans la foulée du décès de l’écolière Mariia Legenkovska, des parents qui dénoncent le manque d’aménagements sécuritaires pour les enfants qui marchent pour rejoindre l’école ont pu rencontrer la ministre des Transports et de la mobilité durable, Geneviève Guilbault, mardi matin.

« Nous avons un message clair : que le MTQ établisse de normes contraignantes pour la sécurisation des trajets vers l’école », dit Ann-Julie Rhéaume, l’une des mères mobilisées pour la sécurité des transports actifs et coorganisatrice du mouvement « Pas une mort de plus », qui a organisé les journées de mobilisation.

Les parents invitent à la ministre Guilbault, qui doit rendre public un plan pour la sécurité routière dans la province le mois prochain, de ne pas se limiter à lancer une campagne de signalisation, de sensibilisation ou de répression, des actions qui ne règlent pas le problème à la source, dénoncent-ils.

« On sait que ce n’est pas suffisant. Il faut des trottoirs plus larges, des intersections surélevées, des murets… Les guides existent, mais les villes ne sont pas obligées de le faire. On doit voir un leadership de Québec, ça doit venir de la ministre », dit-elle.

Parmi les parents qui ont rencontré la ministre se trouvait Jacinthe Latulippe, dont la fille Anaïs Renaud, 11 ans, a été mortellement happée par le conducteur d’une camionnette alors qu’elle marchait sur une route dépourvue de trottoir pour se rendre à l’école, à Saint-Flavien, il y a cinq ans.

Catherine Ricard, dont le fils Jules Boutin, 13 ans, est mort en 2019 après avoir été happé par une conductrice à l’emploi d’Autobus Brunet devant son école à Sainte-Agathe-des-Monts, était aussi de la rencontre.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Ricard et Pierre Boutin. Leur fils de 13 ans, Jules Boutin est mort après avoir été happé par un autobus scolaire près de la polyvalente de Monts à Ste-Agathe.

Dans le cas de Jules, comme dans plusieurs autres cas, le danger était connu, le maire de Saint-Agathe à l’époque avait été interpellé à plusieurs reprises. Le problème, c’est qu’agir pour protéger nos enfants est un choix, alors que ça devrait être une obligation.

Catherine Ricard

Les familles endeuillées n’ont souvent personne vers qui se tourner, dit Mme Ricard, qui a été en arrêt de travail pendant un an après la mort de Jules. « Il n’y a aucun levier pour les victimes, à cause du no fault. Du côté des municipalités et du MTQ, il n’y a rien non plus. Il n’y a aucun devoir de diligence de base d’aménager les trajets scolaires avec un minimum de sécurité. Ce qu’on dit, c’est qu’il ne faut pas attendre un autre drame pour être proactif. »

Deux enquêtes indépendantes commandées par la SAAQ ont déterminé que la conductrice était responsable de la collision qui a tué Jules. Le dossier est devant la Commission des transports depuis deux ans. « Ça ne bouge pas, c’est très nébuleux comme processus », dit Mme Ricard.

Aménagements déficients

Le décès de la petite Mariia Legenkovska, 7 ans, tuée par un chauffard sur le chemin de l’école à Montréal en décembre dernier, a démontré une fois de plus que les enfants font les frais des aménagements déficients autour des écoles, soutient le groupe.

Récemment, un citoyen a enregistré 44 infractions commises en une heure par des conducteurs de véhicules motorisés qui effectuaient un virage interdit à l’angle des rues de Rouen et Parthenais, là où Mariia a été happée mortellement.

Au printemps, l’arrondissement a notamment annoncé que 110 nouveaux dos d’âne seront installés – une demande formulée depuis des années par des groupes de parents, qui avaient jusque-là essuyé des refus.

Les municipalités du Québec ne sont pas tenues d’offrir un environnement sécuritaire pour le transport actif autour des établissements scolaires fréquentés par les enfants de la province, note le groupe.

Alors que 80 % des élèves canadiens utilisaient de transport actif pour se rendre à l’école dans les années 1980, ils sont moins de 20 % à le faire aujourd’hui. La forte présence de conducteurs de véhicules motorisés autour des écoles, de même que le manque d’infrastructures protégées pour les marcheurs et les cyclistes, cause un cercle vicieux qui encourage davantage le tout-à-l’auto, dénonce Mme Rhéaume.

« Le chemin vers l’école est malheureusement un endroit dangereux pour les enfants, les parents le disent et se plaignent constamment. Mais même en cas de mort, tout le monde se renvoie la balle », dit Mme Rhéaume.

La ministre Guilbault a démontré de « l’ouverture », dit-elle.

« Elle était sensible à notre cause, et était d’accord avec plusieurs points. Elle ne s’est pas commise sur l’aspect obligatoire. J’ai senti qu’elle craint que des villes ne l’acceptent pas très bien, mais je ne pense pas que ce soit le cas, on sent beaucoup de volonté de la part des villes dans ce dossier. »