La Loi sur la laïcité de l’État, qui interdit notamment aux enseignants de porter des signes religieux, a eu pour effet d’exacerber le sentiment d’être victime de racisme chez des mères de la communauté maghrébine, a observé une chercheuse dans le cadre de son projet de recherche de maîtrise.

Étudiante en sciences de l’Éducation à l’Université de Montréal, Hana Zayani s’est intéressée à ce qu’ont vécu des mères d’origine maghrébine dans les écoles après l’adoption de la Loi 21, en 2019. Elle a présenté ses résultats lundi dans le cadre du 90congrès de l’Acfas, qui se déroule à Montréal cette semaine.

Les dix femmes – dont la moitié portent le voile – ont des enfants qui fréquentent des écoles publiques montréalaises. Elles ont participé à des entretiens dirigés.

Si toutes les participantes ont affirmé d’emblée que l’intégration de leurs enfants à l’école n’était pas difficile, elles observent de leurs expériences que « le racisme au Québec semble être subtil et indirect ».

« La Loi 21 a beaucoup impacté leur relation avec l’école », estime Hana Zayani. Les femmes, dit-elle, ont rapporté avoir vécu plus de situations de racisme dit « ordinaire » après l’adoption de cette loi, du racisme qui provient généralement des adultes.

Le racisme ordinaire est « du racisme subtil », explique Mme Zayani. « On a l’impression que c’est du racisme, mais on n’a pas de preuves. Ce sont, par exemple, de longs délais d’attente [pour obtenir un service]. Des éducatrices de service de garde qui surveillent davantage des élèves que d’autres », illustre-t-elle.

De leurs expériences à l’école, des mères observent que « des parents n’acceptent pas que leurs enfants invitent des immigrants à leurs fêtes ». Une autre raconte qu’elle a longuement dû expliquer à un autre parent les raisons pour lesquelles elle porte le voile. « Parce que je couvre les cheveux, c’est égal à une femme opprimée, égal à une femme qui n’a pas de droit, c’est automatiquement ça », a-t-elle confié à la chercheuse.

Pour protéger leurs enfants, mais aussi elles-mêmes, des femmes ont témoigné avoir décidé d’utiliser un autre nom que le leur.

Si elles le font, c’est « parce que c’est le seul indice de leur appartenance. Le fait de se donner un autre nom les fait passer inaperçues », explique l’étudiante à l’Université de Montréal.

D’autres décident d’enlever leur voile, comme Sonia qui, « en instance de divorce […] ne veut pas [que ses enfants] subissent en plus de la discrimination à l’école due au fait que leur mère porte un voile », écrit la chercheuse dans son mémoire de maitrise.

Sur le projet de Loi 21, certaines participantes ont jugé qu’elle ciblait particulièrement les femmes musulmanes et ont exprimé leur incompréhension de voir, par exemple, des signes religieux ailleurs dans les écoles.

Une mère dit qu’elle « comprend que certains parents ont peur qu’on influence leurs enfants ». « Je veux dire que c’est très légitime de leur part et je comprends », mais comme d’autres, elle craint néanmoins que cette loi « présente un premier pas vers une laïcité ferme comme celle de la France ».

Tunisienne d’origine, elle-même voilée, Hana Zayani poursuit actuellement un doctorat qui se penchera sur ce que vivent les élèves musulmans dans les écoles publiques québécoises.