(Montréal) Un chercheur de l’Université McGill souhaite lancer un programme de mentorat pour aider les jeunes hommes noirs marginalisés de Montréal à amorcer plus facilement leur vie adulte.

Financé par le gouvernement fédéral, le projet « Flex to Launch » vise à inculquer des compétences de base à de jeunes hommes noirs âgés de 18 à 28 ans afin de faciliter, entre autres, leur intégration au marché du travail.

Le Dr Rob Whitley, professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill et chercheur en santé mentale, espère que son programme fera office de « pont » vers la réussite et incitera les participants à « accomplir certains de leurs objectifs de vie ».

Étalée sur une période d’environ 12 semaines, l’initiative permettra aux participants d’acquérir « un large éventail de compétences axées sur le développement personnel et professionnel », explique en entrevue le Dr Stanley Chase, professeur au département d’études interdisciplinaires de l’Université métropolitaine de Toronto et coordonnateur adjoint du projet.

Par le biais de mentorat offert par des membres de leur communauté, les jeunes apprendront, entre autres, à rédiger un CV, à développer une éthique de travail, à se préparer pour une entrevue et à maîtriser les logiciels d’apprentissage utilisés dans les établissements d’enseignement. Sur le plan personnel, ces modèles leur montreront aussi à gérer sainement leurs relations interpersonnelles, à reconnaître et réduire les sources de stress ainsi qu’à résoudre des conflits.

« Comme tout le monde, la vaste majorité des jeunes hommes noirs veulent travailler ; ils veulent obtenir une éducation et contribuer à la société, souligne le Dr Whitley. J’espère que le programme pourra les équiper avec les compétences qui les mèneront à amorcer leur carrière ou leur éducation, ou encore à développer une solidité mentale pour faire face aux obstacles de la vie. »

Briser le cercle de la criminalité

Si plusieurs ressources existent pour contribuer au développement de la jeunesse québécoise, peu d’entre elles sont dédiées à la clientèle ciblée par « Flex to Launch ».

« Le programme est centré sur les jeunes hommes noirs, parce que les chiffres montrent que c’est l’une des classes démographiques les plus à risque d’abandonner les études et de se retrouver dans la catégorie NEET », précise le Dr Whitley.

L’indicateur NEET (de l’anglais Not in Education, Employment or Training) désigne la proportion d’individus qui ne travaillent pas et qui ne sont ni à l’école ni en formation professionnelle. Cette classification permet de « dénombrer le nombre de jeunes dont l’intégration à la société est à risque », puisque ceux-ci ne développent pas d’habiletés sociales ou professionnelles « à un moment crucial de leur vie active ».

En 2020, une étude de Statistique Canada avait démontré que près de 20 % des jeunes hommes noirs de 15 à 29 ans étaient représentés au sein de la catégorie NEET, comparativement à 12 % chez les autres jeunes du même âge. Cette disparité est, entre autres, ce qui a motivé le Dr Whitley à lancer le programme de mentorat.

Selon Valerie Gordon-Williams, activiste communautaire et coordonnatrice adjointe du projet, des initiatives comme « Flex to Launch » pourraient réduire le nombre d’individus qui se tournent vers la criminalité. Étant en marge de la société, les jeunes qui ne fréquentent pas de milieux scolaires ou professionnels sont souvent plus à risque de souffrir de problèmes de santé mentale et d’isolement.

« Les jeunes qui se retrouvent dans cette situation sont souvent des cibles pour de potentielles activités criminelles, atteste Mme Gordon-Williams. Ils peuvent être recrutés par des gangs de rue ; se sentant seuls, ils pourraient penser que l’appartenance à une fraternité ou à un groupe réglerait leur sentiment d’isolement. »

Sans source de revenus, ceux-ci ont parfois tendance à opter pour des activités illicites qui rapportent beaucoup d’argent de façon rapide, comme la vente de drogues, le vol ou le cambriolage.

Un projet comme celui du Dr Whitley pourrait ainsi atténuer ce genre de comportements en outillant les participants, ce qui faciliterait leur intégration au marché du travail et leur accès à des études supérieures.

Aux yeux du Dr Stanley Chase, l’instauration de ce programme est d’autant plus pertinente dans le contexte actuel de montée des violences à travers le territoire montréalais.

« C’est décevant pour moi de constater que cet enjeu est toujours d’actualité à Montréal, déplore-t-il. Le système d’éducation n’a pas été en mesure de gérer cette problématique. Je le sais, car j’ai travaillé longtemps en éducation, en particulier dans les écoles montréalaises. »

À ce jour, « Flex to Launch » est toujours en phase de consultation auprès de parents et d’enseignants de la communauté noire de Montréal, mais son lancement officiel devrait se faire « d’ici la fin du mois de janvier » auprès d’une vingtaine de participants, assure Valerie Gordon-Williams.

« La première partie du programme est préparée, mais nos plans ont tout de même une limite, car nous voulons aussi que ces jeunes hommes nous disent eux-mêmes ce dont ils ont besoin pour se sortir de leur situation », précise-t-elle.

Les organisateurs du programme se disent « très excités » à l’idée de mettre en branle le projet, qu’ils jugent « prometteur ».