La ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, admet qu’il était « inapproprié » que des fonctionnaires et une dirigeante d’un lobby agrochimique travaillent au sein du même document Word sur une réforme visant à encadrer une nouvelle génération d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Dans la foulée de cette controverse, elle promet aux agriculteurs biologiques la traçabilité des semences issues de l’édition génique.

Lundi, Radio-Canada révélait que le nom d’une dirigeante d’un lobby agrochimique apparaissait comme « auteure » dans les métadonnées de fichiers distribués sous embargo par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) à divers fonctionnaires et intervenants du monde agricole.

Le document de travail présente une nouvelle « directive clé » pour interpréter le Règlement canadien sur les semences. Il propose de soustraire les plantes issues de « l’édition génique » à l’obligation d’être évaluées par le gouvernement avant d’être introduites dans l’environnement canadien, comme on l’exige pour les nouvelles plantes OGM depuis les années 1990.

« On m’a assurée d’une chose, le document original vient bel et bien de l’ACIA, mais néanmoins, je trouve effectivement que ça porte à confusion de travailler sur le même document. Il me semble que ça serait beaucoup plus approprié que les intervenants envoient leurs recommandations dans des mémoires complètement séparés. J’ai eu cette discussion-là avec un dirigeant de l’Agence mardi matin », a-t-elle expliqué en entrevue avec La Presse.

Elle a insisté sur le fait que le document était un « brouillon » utilisé dans le cadre de consultations avec les acteurs de l’industrie. « On ne peut pas dire que c’est l’orientation de l’Agence, c’est une option qui est sur la table », a tenu à préciser la ministre.

Dans sa forme actuelle, le projet de réforme tel que présenté dans le document « n’atteint pas un objectif qui est très important pour le gouvernement, c’est de protéger le secteur bio. Donc cette option-là ne peut pas être retenue […], donc il faut [que l’ACIA] continue à faire ses devoirs », a-t-elle ajouté.

Bibeau tente de rassurer les agriculteurs bios

Il n’y a pas encore de plantes issues de l’édition génique cultivées dans le système agricole canadien. Cette nouvelle technologie permet d’apporter des modifications dans la séquence ADN existante des plantes sans y insérer de gènes étrangers, comme c’est le cas avec les OGM dits traditionnels.

Cette réforme a toutefois été rejetée en bloc par le monde agricole québécois, qui craint de compromettre le processus de certification biologique.

En plus de ne pas utiliser de pesticides de synthèse et d’engrais chimiques, l’agriculture biologique doit garantir qu’elle n’utilise pas d’OGM. Sans mécanisme de déclaration obligatoire avant la mise en marché des futures semences, la filière biologique du Québec redoutait de ne plus être en mesure de répondre à cette obligation.

« L’intégrité des certifications biologiques doit être garantie à la fin des travaux et ça, c’est une directive très claire que j’ai donnée à l’agence », a précisé la ministre Bibeau.

Concrètement, comment le gouvernement canadien parviendra-t-il à assurer aux producteurs biologiques qu’ils ne planteront pas des semences OGM sans le savoir ? La méthode pour y parvenir reste à déterminer, dit-elle.

« Automatiquement, il doit y avoir une façon ou une autre d’assurer la traçabilité, la transparence », promet Mme Bibeau.