Le métier, les médias, la salle de rédaction de La Presse, et vous.

Les plus perspicaces auront remarqué que nos titres de section ont été modifiés ces derniers jours : on a remplacé « Élections Québec » par « Élections québécoises ».

Ou, devrais-je plutôt écrire, « on a été contraints » de remplacer l’un par l’autre sur toutes nos plateformes après qu’on m’a fait parvenir mercredi dernier l’équivalent d’une mise en demeure nous obligeant à apporter ce changement « le plus rapidement possible ».

Une mise en demeure à laquelle on n’a pu faire autrement que de se conformer, à contrecœur. Car voyez-vous, chers lecteurs, on n’a pas le droit pendant les élections au Québec d’utiliser les mots « Élections » et « Québec » dans cet ordre.

Les autorités ont peur que vous soyez confus…

Eh oui, l’organisme Élections Québec, qui a pour mandat d’organiser les consultations tous les quatre ans, a le temps de surveiller à la loupe les titres de section de l’ensemble des médias en pleine campagne électorale.

« Québec 2022 » à TVA et au Journal de Montréal : c’est bon.

« Élections provinciales 2022 » chez Noovo : super.

« Élections Québec 2022 » au Devoir et à Radio-Canada : hum, c’est limite, mais avec l’année, c’est OK.

Oh… « Élections Québec » à La Presse !

Vite, une lettre formelle pour la mettre en demeure séance tenante.

Pas d’appel téléphonique des représentants d’Élections Québec. Pas de discussion, pas de suggestion polie. Seulement un courriel de quelques mots qui m’a été envoyé le 7 septembre à 14 h 37 par l’adjointe de la directrice de la direction des communications : « Veuillez prendre connaissance des documents joints. »

Documents dans lesquels l’organisme nous « prie d’ajuster le titre de section Élections Québec le plus rapidement possible ». Et ce, dans le but d’éviter « toute confusion avec [sa] raison sociale ».

Et l’organisme pousse l’outrecuidance jusqu’à nous proposer d’utiliser plutôt « Élections provinciales 2022 ». En ajoutant une copie du certificat du registre des marques qui confirme l’homologation en 2018 de l’expression née de la juxtaposition des mots Élections et Québec…

C’est ainsi qu’une organisation qui a pour mandat d’« informer les électeurs » et de les « sensibiliser au vote » cible une institution qui produit chaque jour du contenu dans le but que les électeurs exercent de manière éclairée leur droit de vote.

On s’entend : il n’y a rien de grave à modifier notre titraille. La plupart d’entre vous n’avaient probablement pas remarqué le changement, d’ailleurs.

Mais j’avoue m’interroger sur le sens des priorités d’Élections Québec, qui a non seulement le temps et les ressources pour faire la chasse aux titres, mais qui le fait avec un zèle étonnant en pleine campagne électorale.

Je sais bien qu’Élections Québec a quatre ans pour se préparer pour le jour J, mais l’organisme a quand même beaucoup de choses à faire une fois que les autobus des partis politiques ont quitté le garage : encadrement des activités électorales, recrutement et formation du personnel électoral, réservation et préparation des bureaux de vote, etc.

Et à la lumière des taux de participation faméliques des derniers scrutins, il me semble qu’Élections Québec devrait concentrer ses énergies à la mobilisation des électeurs en vue du grand soir, non ?

Et malgré cela, il évoque la Loi sur les marques de commerce dans le but de créer de toutes pièces un problème qui n’en est pas un, tout en s’attaquant à un allié inconditionnel du processus démocratique.

Dites-moi bien franchement, chers lecteurs, y en a-t-il un seul d’entre vous qui s’est demandé si un seul de nos articles provenait d’Élections Québec ? Y en a-t-il un seul qui était confus en lisant notre contenu portant sur les élections du Québec sous le surtitre « Élections Québec » ?

La dernière fois que j’ai regardé la mission de l’organisme, elle consistait à assurer l’intégrité et la fiabilité des élections ainsi qu’à promouvoir les valeurs démocratiques québécoises. Non pas à s’assurer de l’inviolabilité de sa marque.