Ronide Casséus et Roberson Berlus ont travaillé toute leur vie pour sortir les jeunes de la rue. Mais c’est la rue qui leur aura enlevé leur fils Jayson Colin, tué par balles le 10 août dernier.

« C’était mon ami, mon confident et mon complice. On formait une équipe », décrit la mère de la victime, la voix brisée par les sanglots, en s’adressant aux médias.

Jayson Colin discutait avec des amis près d’une école de Montréal-Nord un mercredi soir, début août. Le groupe a été ciblé par plusieurs projectiles.

Trois jeunes ont été blessés cette soirée-là. Jayson Colin, lui, est mort sur le coup, alors que les tireurs cagoulés prenaient la fuite.

PHOTO STEFAN VERNA, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE LA CDEC MONTRÉAL-NORD

Jayson Colin, 26 ans, est mort après avoir été ciblé par des projectiles le 10 août dernier.

La victime de 26 ans n’était pas connue des services de police.

« Jayson n’a jamais eu à se sortir de quoi que ce soit. Il était raisonnable et prenait des bonnes décisions », décrit la mère endeuillée. Intervenante psychosociale, elle a travaillé à Montréal-Nord près de 20 ans. « Avec un budget de 20 000 $ par an, salaire inclus », précise-t-elle.

Son conjoint Roberson Berlus, travailleur de rue à Montréal-Nord depuis 18 ans a vu grandir « JayJay. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Roberson Berlus

On connaît Montréal-Nord. On connait les jeunes [d’ici] et leurs parents. De voir comment la jeunesse s’en allait, ça faisait déjà très mal. Maintenant on se retrouve nous aussi du côté des victimes.

Roberson Berlus

« Il y en a d’autres des Jayson à Montréal-Nord. Il faut qu’on fasse l’effort d’aller vers ces jeunes-là pour les comprendre », estime Mme Casséus.

La perte de son fils unique laisse un immense vide dans son quotidien. Il a toujours voulu redonner à la communauté, souligne-t-elle. Doté d’une grande capacité de gratitude et amoureux fou du hockey, Jayson a toujours voulu redonner à sa communauté. Il avait pour ambition de fonder un organisme pour rendre ce sport plus accessible pour les jeunes de Montréal-Nord.

Malgré la douleur, elle continuera d’ouvrir sa porte aux jeunes qui ont vécu la violence et de tendre la main aux plus marginalisés.

Le couple d’intervenants est bien placé pour comprendre comment les jeunes du quartier se sentent après avoir perdu un camarade sous les balles. « Ils sont en colère. Ils se sentent négligés et incompris. Mais on ne veut pas de vengeance et de réplique. On ne veut pas que les jeunes adoptent ces comportements », soutient Mme Casséus.

Peu de soutien, peu de réponses

« Personne n’est venu voir comment on allait. Aucun organisme, aucun arrondissement ne nous ont contactés », déplore la mère de la victime la larme à l’œil.

Seule la femme du premier ministre François Legault, Isabelle Brais, est venue les visiter. Elle est arrivée au local sans flafla ni gardes du corps, décrit M. Berlus. « C’est la seule personne qui a cru bon de venir nous parler. Elle nous a dit qu’elle voulait nous écouter, qu’elle allait faire passer notre message. »

« On ne reverra plus jamais Jayson. Notre cri du cœur, c’est qu’on veut des réponses claires. Qu’est-ce qui est mis sur pied pour les jeunes comme Jayson en ce moment ? On n’a pas de réponse », poursuit sa conjointe.

Roberson Berlus dénonce un « problème structurel » à Montréal-Nord.

Depuis le début de la flambée de violence à Montréal, ni l’arrondissement ni la Ville n’a sollicité les travailleurs de rue sur ses connaissances par rapport au terrain. Sa profession demeure, selon lui, sous-estimée et sous-financée. « Nous sommes trois travailleurs de rue pour tout le territoire à Montréal-Nord », laisse-t-il tomber.

« On parle de plan pour la sécurité urbaine. On veut savoir quel est ce plan et est-ce que les organismes en font partie […] On ne veut pas d’autres Jayson. »

Il faut miser sur les gens qui connaissent le terrain et qui parlent aux jeunes marginalisés.

La police a sa place, pense Roberson Berlus. Mais dehors, il n’y a pas que des criminels armés et des dangereux délinquants. « Il faut un équilibre pour pouvoir intervenir. Financer un secteur plus qu’un autre, c’est créer un débalancement. »

Il se demande aussi si les organismes qu’on subventionne ont cette expertise. « C’est comme financer une organisation de basket pour développer le hockey. Ça ne fonctionne pas. »