Un Montréalais devra faire face à des accusations de harcèlement et de menaces pour des commentaires injurieux, y compris une référence au drame de Charlie Hebdo, adressés à une journaliste de La Presse.

Marc Charlebois comparaîtra le 2 septembre prochain au palais de justice de Montréal. Visé par deux chefs d’accusation, soit d’avoir proféré des menaces et d’avoir commis du harcèlement à l’endroit de la journaliste Coralie Laplante, l’homme n’est pas détenu en attente de sa comparution.

« Utiliser encore une fois la mort de quelqu’un pour votre propagande, c’est carrément dégueulasse ! Où est votre éthique ?? Bande de cave de média sensasionaliste, vous êtes rendu bas pas à peu près. C’est un autre Charlie hebdo que vous voulez ?? Petite saloppe, ça va te retomber dessus crois moi ! » (sic), avait écrit Charlebois dans un courriel adressé à la journaliste en septembre dernier.

Ce commentaire faisait suite à la publication, par Coralie Laplante, d’un article au sujet de la mort tragique d’un jeune père de famille non vacciné atteint de la COVID-19 qui, avant de mourir, avait supplié ses proches de recevoir le vaccin.

Jointe mardi, Coralie Laplante, qui travaille désormais pour un autre média, a confié que cette référence à l’attentat visant des journalistes à Paris, survenu en janvier 2015, a été « la goutte qui a fait déborder le vase ».

Dans les mois et les semaines ayant précédé ce courriel, elle en avait reçu plusieurs autres de Marc Charlebois, contenant la plupart du temps des propos « à connotation sexuelle ». « Il y a des limites à ne pas franchir, soit menacer les gens de mort », a-t-elle tranché en ajoutant avoir eu peur de voir Marc Charlebois « débarquer à La Presse ».

« Il faut que ça cesse »

Ces menaces s’inscrivent dans une tendance lourde qui a débuté durant la pandémie, soit celle du harcèlement en ligne de journalistes, explique le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Michaël Nguyen.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Michaël Nguyen, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec

« On voit régulièrement des accusations pour des menaces à l’endroit de journalistes, et on les encourage à porter plainte. Il faut que ça cesse et que les gens comprennent que les menaces, même sur l’internet, ça reste des menaces et c’est puni par la loi », martèle-t-il.

Des propos appuyés par le chroniqueur de La Presse Patrick Lagacé, qui a reçu son lot de courriels menaçants durant sa carrière.

« Ce que les trolls ne comprennent pas, c’est que l’internet n’est pas une zone de non-droit. Depuis le début de la pandémie, j’ai porté plainte une dizaine de fois pour des messages violents et menaçants. Dans mon expérience, la police prend ces plaintes au sérieux, tant au SPVM qu’à la SQ », dit-il.

Quand la police cogne à la porte des trolls pour les arrêter, ils trouvent ça moins drôle. Mais c’est comme ça que ça se passe dans le monde réel : les gestes et les paroles ont des conséquences.

Patrick Lagacé, chroniqueur à La Presse

Dans le cadre d’un sondage mené par la firme Ipsos pour le compte de la FPJQ l’automne dernier auprès de plus de 1000 journalistes professionnels, 72 % d’entre eux ont répondu avoir subi une forme ou une autre de harcèlement au cours des 12 derniers mois.

Qui plus est, 84 % des journalistes qui ont affirmé avoir fait l’objet de harcèlement en ligne estiment que ce phénomène s’est accru.

La majorité des cas non signalés

Or, « la plupart des cas de harcèlement ne sont pas signalés, soit parce que les journalistes et professionnels des médias doutent de la gravité du harcèlement dont ils font l’objet ou parce qu’ils pensent que rien ne sera fait pour améliorer la situation », notent les auteurs du sondage.

Encore récemment, la FPJQ a rencontré plusieurs corps policiers qui ont réitéré l’importance pour les journalistes de dénoncer de tels propos.

C’était vraiment un rappel parce qu’on sait que les journalistes hésitent à porter plainte, car ils pensent que ça fait partie de la job. Oui, il y a la critique et c’est acceptable de critiquer, mais menacer ou porter atteinte à l’intégrité physique d’une personne, c’est inacceptable.

Michaël Nguyen, président de la FPJQ

Une collaboration à plusieurs vitesses

Si la collaboration entre les organisations journalistiques et la police dans ce type de dossiers se passe bien au Québec, selon Michaël Nguyen, la situation est différente dans le reste du Canada.

Lundi, l’Association canadienne des journalistes a demandé à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qu’elle dévoile ce qu’elle savait au sujet d’un complot tramé par des membres d’un groupe d’extrême droite visant à tuer un journaliste du quotidien manitobain The Free Press.

En septembre 2019, la GRC avait fait parvenir une lettre au journaliste Ryan Thorpe l’informant qu’elle était au courant d’une menace à sa vie. Les agents de la police fédérale y recommandaient à M. Thorpe de rester aux aguets, d’installer un système d’alarme chez lui et de porter plainte à la police s’il était témoin de quoi que ce soit, mais ils n’auraient pas cru bon d’en faire plus.