La taxe de la Colombie-Britannique imposée aux propriétaires d’ici ou de l’étranger pour contrer l’achat d’appartements à des fins purement spéculatives sans les louer porte ses fruits, conclut une étude. En ces temps de crise du logement au Québec, Carlos Leitão, député libéral et ex-ministre des Finances, plaide donc pour que le Québec imite cette approche.

Ces derniers jours, les chercheurs Tsur Somerville et Jake Wetzel ont dévoilé une étude selon laquelle la taxe de la Colombie-Britannique, lancée en 2018, a entraîné le retour de 20 000 logements en copropriété sur le marché de la location à long terme de la grande région de Vancouver, région particulièrement touchée au pays par la spéculation immobilière et la pénurie de logements.

Perçue dans cinq régions de la Colombie-Britannique, la taxe est de 0,5 % pour les citoyens canadiens ou les résidents permanents et de 2 % pour les propriétaires étrangers lorsqu’un appartement est laissé vacant pendant plus de six mois. Si les Airbnb ne sont pas frontalement visés, ils sont aussi touchés. Les recettes contribuent au surplus à financer des projets de logements abordables là où la taxe est perçue.

Les logements doivent être des logements, pas des coffres-forts.

Selina Robinson, ministre des Finances de la Colombie-Britannique

En entrevue téléphonique lundi, le député libéral Carlos Leitão explique que l’étude cosignée par Tsur Somerville – un chercheur de la Colombie-Britannique dont il suit les travaux et dont il vante la crédibilité – a son importance. « Quand on était au gouvernement, on se posait la question. [Une telle taxe] fonctionne-t-elle vraiment ou apporte-t-elle beaucoup de tracas pour peu de résultats ? Une étude sérieuse vient dire maintenant que ça marche. »

Une bonne idée pour le Québec ? Joint au téléphone, le chercheur Tsur Somerville y va prudemment, n’ayant pas une connaissance intime de la réalité d’ici. Mais une telle taxe a un effet certain, dit-il, lorsqu’il y a crise du logement et un haut taux d’appartements laissés vacants.

Que des investisseurs soient aussi sensibles à une simple taxe peut avoir de quoi surprendre, non ? Pas tant que ça, répond-il. « Les personnes riches n’aiment pas les taxes et n’aiment pas faire de chèques ! », lance-t-il en riant.

Mais M. Somerville souligne que les propriétaires de logements laissés vacants (pour toutes sortes de raisons, précise-t-il) ne sont ni nécessairement richissimes ni nécessairement étrangers.

Il ajoute que la pandémie a pu jouer sur l’ampleur des résultats, mais que la taxe est certainement un bon outil. Car 20 000 logements remis sur le marché, ça fait toute une différence pour quantité de personnes qui en cherchent désespérément un, « même si, en proportion, ça demeure peu » vu l’ampleur de la crise du logement dans sa province.

Pas que des mérites

La taxe n’a pas que des mérites, selon certains de ses critiques. Pour le maire de Nanaimo, Leonard Krog, elle ne fait que déplacer le problème de la spéculation immobilière puisqu’elle n’est pas perçue dans l’ensemble de la province. Le député libéral Kevin Falcon a aussi ses réserves, estimant que le Nouveau Parti démocratique (NPD) au pouvoir mise beaucoup sur la taxation des spéculateurs, mais pas assez sur des politiques visant à augmenter la construction de logements.

Il a aussi fait valoir que le NPD a posé le mauvais diagnostic en estimant que la spéculation était largement le fait d’investisseurs chinois, alors qu’ils ne représentent qu’une infime part de ceux qui achètent des logements puis les laissent vacants.

L’Ontario a néanmoins visé spécifiquement, lui, les investisseurs étrangers. En 2017, cette province a créé un impôt sur la spéculation pour les non-résidents, en vigueur à l’achat d’un logement résidentiel par une société étrangère ou par quelqu’un qui n’est ni citoyen ni résident canadien.

Pour Carlos Leitão, l’expérience de la Colombie-Britannique doit être sérieusement étudiée dans le contexte de notre « situation chronique de pénurie de logement ». « Dans le cas du Québec, faudrait-il l’imposer sur l’île de Montréal ? Dans la région métropolitaine ? »

Cela reste à voir, dit-il, et cela ne serait qu’une mesure parmi d’autres à mettre en place. Car si l’idée est de limiter la location à court terme de type Airbnb, il souligne (comme le professeur Somerville) que cette seule taxe ne peut suffire et que d’autres mesures doivent aussi être mises en vigueur.

Au bureau d’Eric Girard, ministre des Finances, on indique qu’une taxe pour décourager la spéculation immobilière n’est pas envisagée parce que « la présence des acheteurs étrangers sur le marché immobilier reste faible », représentant « 0,6 % des transactions immobilières effectuées au Québec », en juin 2022.

L’aide au paiement de loyer et des mesures visant l’ajout de logements sont jugées plus appropriées.