Soutien au choc post-traumatique et services d’interprètes : les nouveaux arrivants ukrainiens ont accès à des soins de santé au Canada, mais ils demeurent limités, estime une analyse publiée lundi par l’Association médicale canadienne.

Les soins de santé mentale ne sont pas couverts pour les Ukrainiens fuyant la guerre et arrivant au Canada grâce au programme de visa temporaire de trois ans appelé Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine (AVUCU). À terme, le Canada pourrait accueillir jusqu’à 112 000 Ukrainiens de cette manière.

Si ceux-ci ont accès à la couverture de la Régie de l’assurance maladie du Québec, ils ne bénéficient pas de tous les services liés aux programmes habituels d’accueil des réfugiés, comme le soutien psychologique pour les traumas.

« Ce programme de visa pourrait laisser certains migrants ukrainiens vulnérables en raison de services d’établissement et de soutien médical limités », souligne un résumé de l’étude de l’Institut Lady Davis de recherche médicale intitulée « Guerre en Ukraine et santé des réfugiés », publiée lundi.

Avoir vécu la guerre laisse pourtant des marques : « On voit des cas où des [nouveaux arrivants ukrainiens] ont peur de sortir avec les avions qui volent au-dessus d’eux, après tout ce qu’ils ont vécu », cite en exemple la Dre Lya Roudaia, hématologue-oncologue à l’hôpital général du Lakeshore de Pointe-Claire, qui a rencontré des Ukrainiens dans sa pratique.

[Les réfugiés ukrainiens] ont peur de choses que nous, on trouve normales.

La Dre Lya Roudaia, hématologue-oncologue à l’hôpital général du Lakeshore de Pointe-Claire

Une observation partagée par la Dre Christina Greenaway, coauteure de l’étude et experte en santé des migrants. « L’un des problèmes majeurs est le stress et la santé mentale, pour les personnes qui ont dû fuir rapidement, soutient-elle. C’est vraiment important d’offrir des services additionnels en ce sens, et avec le programme de visa temporaire, les gens n’ont pas accès à ça. »

Avant même d’arriver au Canada, 33 % des Ukrainiens avaient des problèmes de santé mentale en raison de l’instabilité au pays depuis 2014, précise l’étude.

Un manque d’interprètes

La recherche met aussi en lumière le manque d’interprètes dans les établissements de santé à travers le Canada. « Pourtant, des services d’interprètes sont la clé pour arriver à communiquer avec les patients, pour leur prescrire des traitements adéquats et pour s’assurer qu’ils les comprennent », affirme la Dre Greenaway, aussi professeure de médecine à l’Université McGill.

Cet obstacle à la communication ne touche pas que les Ukrainiens, relève la chercheuse. À l’exception des cliniques destinées aux réfugiés, ces services sont absents de la majorité des établissements de santé au pays et bloquent, par le fait même, l’accès aux soins.

« On veut en parler, parce que c’est une barrière importante à notre capacité d’offrir des soins adéquats », renchérit la Dre Greenaway.

Les patients migrants, incapables de naviguer dans le système de santé, risquent alors de tomber « dans les craques », estime-t-elle.

Un système mis à mal par la COVID-19

L’objectif de l’étude est aussi d’outiller les médecins à travers le pays à propos des services auxquels les migrants ukrainiens ont accès, ou pas, de même que de dresser un portrait de leurs principaux besoins en matière de santé.

Par exemple, cette population a une prévalence de maladies chroniques (cardiovasculaires ou diabète) élevée et une consommation importante de tabac.

L’étude relève aussi que les systèmes de santé au Canada ont été mis à mal par la pandémie et offre des pistes de réflexion touchant spécifiquement la santé des migrants.

« Bien que le Canada ait une longue histoire d’accueil et d’intégration de groupes de réfugiés et d’autres migrants en situation de crise, l’arrivée simultanée d’Ukrainiens déplacés par la guerre et de réfugiés d’Afghanistan dans des systèmes de santé mis à rude épreuve par la COVID-19 nécessite un examen des pratiques et des programmes actuels de santé des réfugiés et exige des solutions créatives », écrivent les auteurs.

En savoir plus
  • 33 800
    Nombre de réfugiés reconnus au Canada en 2021
    Source : Agence des Nations Unies pour les réfugiés
    20 400
    Nombre de réfugiés réinstallés au Canada en 2021 (le plus grand nombre au monde)
    Source : Agence des Nations Unies pour les réfugiés