Joyce Echaquan souffrait d’une rare et grave maladie du cœur et est morte d’un choc cardiogénique et d’un œdème pulmonaire aigu le 28 septembre au Centre hospitalier de Lanaudière. Dans les minutes qui ont précédé sa mort, on a indiqué à son dossier qu’elle était « calme », mais elle aurait plutôt été dans un coma traduisant une situation clinique grave, affirme le DAlain Vadeboncœur, venu témoigner jeudi aux audiences de l’enquête publique du coroner qui vise à faire la lumière sur le décès de la femme atikamekw.

L’état de détresse de Joyce Echaquan était si profond qu’il était peut-être « trop tard » quand on l’a amenée en salle de réanimation, a expliqué le DVadeboncœur, spécialiste en médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal, qui s’exprimait à titre de témoin expert.

En ce neuvième jour d’audience, des témoins ont fait le point sur le dossier médical de Joyce Echaquan. La femme de 37 ans souffrait de cardiomyopathie rhumatismale chronique.

Même s’il a pratiqué plus de 3000 autopsies dans sa carrière, c’est la première fois que le pathologiste qui a réalisé l’autopsie du corps de la défunte, le DRichard Fraser, du CUSM, était témoin d’un cas de cardiomyopathie rhumatismale chronique. Il a même dû demander l’avis d’un confrère pour confirmer son diagnostic. Cette maladie pourrait avoir été causée par une précédente infection pouvant remonter à plusieurs années, selon le DFraser.

Joyce Echaquan avait une situation médicale complexe. En plus de souffrir d’insuffisance cardiaque, elle avait notamment un trouble de la personnalité limite, était atteinte de diabète et avait des problèmes de polytoxicomanie.

Joyce Echaquan avait déjà souffert de problèmes cardiaques dans le passé. Elle avait notamment fait un AVC. Elle portait un stimulateur cardiaque. Elle prenait des médicaments contre l’insuffisance cardiaque.

Le toxicologue judiciaire Anthony Gélinas a énuméré l’ensemble des substances retrouvées dans le sang de Joyce Echaquan après sa mort. L’expert a décrit la patiente comme une personne « fortement médicamentée ». Mais les médicaments retrouvés avaient tous été prescrits et il estime que rien dans son bilan ne permet de déterminer qu’elle était narcodépendante.

Dossier médical confus

Le 27 septembre, Joyce Echaquan s’était présentée aux urgences du Centre hospitalier de Lanaudière (hôpital de Joliette) avec des douleurs à l’abdomen. On a cru à un certain moment qu’elle était en sevrage. On lui a donné des sédatifs. Elle a été mise en contention.

Le DVadeboncœur est venu dire que le dossier médical de Joyce Echaquan aux urgences de l’hôpital de Joliette est « difficile à suivre ». Entre 10 h 10 et 11 h 45, il y a absence de prise de signes vitaux. Le DVadeboncœur affirme aussi que les notes des infirmières sont « contradictoires ». Qu’à certaines heures précises, les notes décrivent Joyce Echaquan comme « calme » tout en étant « agitée ». Le DVadeboncœur a remarqué que certaines notes ont été entrées en temps réel, alors que d’autres ont été entrées a posteriori.

PHOTO SYLVAIN MAYER, LE NOUVELLISTE

Le DAlain Vadeboncœur a témoigné aux audiences de l’enquête publique du coroner sur la mort de Joyce Echaquan, jeudi.

À 11 h 35 le 28 septembre, les notes au dossier disent que Joyce Echaquan est « calme ». Mais le DVadeboncœur a remis en question cette information quand il a consulté une vidéo enregistrée par la fille de Joyce Echaquan à 11 h 39. Inquiétée par une première vidéo diffusée en direct sur Facebook par Joyce Echaquan un peu plus tôt, sa fille s’était précipitée à son chevet. La vidéo enregistrée par la fille de la défunte amène le DVadeboncœur à dire que la patiente, à ce moment, n’était pas « calme », mais plutôt « dans le coma ».

Cette vidéo est frappée d’une ordonnance de non-publication, ce qui nous empêche d’en décrire le contenu.

À 11 h 45, on note que la pression artérielle de Joyce Echaquan est « extrêmement basse » et que tous ses signes vitaux semblent atteints. Joyce Echaquan a été transférée en salle de réanimation à 11 h 56, soit « assez longtemps après ces constats-là », selon le DVadeboncœur, selon qui la détérioration rapide de l’état de la patiente a été « non reconnue immédiatement ».

Le décès de Joyce Echaquan a été constaté à 12 h 58. Elle présentait un important œdème pulmonaire. Ses poumons étaient remplis d’un mélange d’eau et d’un peu de sang au point de peser deux fois plus lourd que le poids normal chez une femme de son âge, a expliqué le DFraser.

Soignée par une CEPI

L’avocat de la famille de Joyce Echaquan, MPatrick Martin-Ménard, est revenu sur le fait qu’une candidate à l’exercice de la profession infirmière (CEPI) titulaire d’un diplôme de niveau collégial travaillait aux urgences et auprès de Joyce Echaquan au moment des évènements. Les CEPI titulaires d’un diplôme de niveau collégial n’ont pourtant pas le droit de prendre soin de patients instables, selon un règlement qui relève de la Loi sur la santé et les services sociaux.

Infirmière-chef aux urgences de l’hôpital de Joliette au moment du drame, Josée Roch a indiqué que six CEPI travaillaient aux urgences à l’automne 2020. Elle dit qu’elle n’a pas l’impression d’avoir bafoué de règle puisque la direction de l’établissement était au courant de la situation. « Ç’a été accepté par la DSI [direction des soins infirmiers] », a dit Mme Roch, qui a depuis démissionné.

Pour le DVadeboncœur, « il y a une différence entre être calme et être dans le coma » et il est possible qu’une « infirmière CEPI pouvait ne pas reconnaître ça ». Pour lui, il est « assez clair » que soigner un patient instable, « c’est au-delà de ce qu’une infirmière CEPI peut et doit faire ».