Vous souvenez-vous de la formule « Rigueur, rigueur, rigueur » prononcée par Pierre Bruneau en 2007 ?

Cette phrase est devenue mythique dans les salles de rédaction. Une façon de tourner en dérision les erreurs des uns et des autres. À la moindre virgule de travers, il y a toujours un fin finaud pour ressortir la célèbre formule du chef de nouvelles de TVA.

Car pour rappel, M. Bruneau faisait alors la leçon à son homologue de Radio-Canada, Bernard Derome, qui avait erronément annoncé la défaite du premier ministre Jean Charest dans sa circonscription électorale.

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Tous les journalistes de tous les médias font des erreurs à un moment donné.

En guise de réplique, M. Derome y était allé de sa propre pointe, l’année suivante, en évoquant les fautes passées de TVA qui « s’était mis à élire des candidats du Parti communiste » dans les années 1980…

Mais ce qu’il faut retenir de cette anecdote, ce n’est pas l’accrochage entre ces deux géants de la télé, mais bien le fait que les journalistes font des erreurs. Tous les journalistes de tous les médias font des erreurs à un moment donné.

L’important, c’est d’en limiter le nombre, bien sûr. Mais c’est surtout de reconnaître la faute… et de la corriger le plus rapidement possible.

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C’est le cas à la télé en direct, mais c’est aussi le cas dans les quotidiens comme La Presse, où le rythme effréné de publication augmente évidemment le risque d’erreurs. Des erreurs qui irritent bien souvent les lecteurs les plus vigilants, avec raison.

« Le nombre de rectificatifs que vous publiez est sidérant. Ça prouve que vous publiez des fake news chaque jour ! », lance Serge Paiement.

Je comprends la réaction viscérale. Les journalistes sont formés pour que chaque virgule soit à la bonne place, donc ils sont les premiers mortifiés lorsqu’ils se trompent. Et la mission première de la salle de rédaction, rappelons-le, est de produire une information de grande qualité, factuelle et rigoureuse.

Mais bien franchement, ce ne sont pas les journaux qui publient des rectificatifs qui devraient susciter la méfiance des lecteurs… ce sont ceux qui n’en publient jamais !

Car le rectificatif contribue à garantir la crédibilité du reste des informations contenues dans le journal. C’est une façon d’attirer l’attention sur la malheureuse erreur afin de la corriger dès que possible, au vu et au su des lecteurs. C’est un acte d’humilité essentiel pour qui accorde une valeur sacrée aux faits et à la vérité.

Bref, la faute avouée est un gage de rigueur.

Pas l’inverse.

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Il y a toutes sortes d’erreurs possibles quand on publie chaque jour l’équivalent d’un livre au complet… et qu’on doit recommencer le lendemain !

Imaginez : on compte en moyenne 45 000 mots dans chaque édition de La Presse+. En comparaison, c’est exactement le nombre de mots qui se trouvaient dans le premier essai que j’ai publié. Le samedi, on dépasse même les 60 000 mots !

Il est donc arrivé récemment que nous baptisions le fondateur de Walmart… Sam Walmart, plutôt que Walton. Eh oui.

Ou que nous ayons fait passer le nombre de vaccins administrés chaque jour aux États-Unis à… 217 millions, plutôt que 2,17 millions.

Nos excuses, comme le veut la formule consacrée.

Nos filets de sécurité ont beau être nombreux, du chef de division au directeur de section, en passant par le réviseur et le pupitreur, il arrive que des erreurs échappent à notre vigilance à tous.

Notre Guide des normes et pratiques journalistiques stipule que dans pareil cas, « La Presse s’efforce de reconnaître et de corriger publiquement et rapidement ses erreurs ».

Quatre mots sont importants ici : reconnaître, corriger, publiquement et rapidement.

Il ne suffit pas de rectifier en douce une erreur dans un article sur le web, ni vu ni connu.

Il faut également reconnaître de manière transparente qu’il y a eu une erreur en la signalant.

Il faut la corriger de manière explicite pour que le public en soit avisé.

Et il faut le faire dès que l’erreur est portée à notre attention.

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À La Presse, il y a deux types de corrections : les précisions et les rectificatifs.

Il n’est pas question d’alerter les lecteurs sur chaque faute d’orthographe, comprenons-nous bien. Mais de signaler les erreurs de fait d’importance.

Nous avons par exemple apporté la « précision » suivante, le mois dernier : Anne Marie Tapp qui intervenait dans un article est étudiante en sciences des religions, et non en théologie, comme nous l’avions écrit.

Et nous avons apporté ce « rectificatif » : la tour de 63 étages qui s’élèvera bientôt dans le ciel montréalais est signée par les architectes Chevalier Morales, non pas Architex, comme nous l’avons publié.

On le voit bien, les erreurs ne sont pas toutes aussi sérieuses que la célèbre manchette du Chicago Daily Tribune qui avait titré « Dewey Defeats Truman » en 1948, alors que Dewey avait plutôt mordu la poussière. Mais elles peuvent toutes avoir des conséquences sur les personnes concernées, d’où le devoir de les traiter à visière levée.

En effet, le cycle de nouvelles a beau être beaucoup plus rapide aujourd’hui qu’il ne l’était en 1948, cela ne nous décharge certainement pas de notre devoir de rectifier toute erreur de manière explicite, dans un souci d’exactitude et de transparence envers nos lecteurs… qui sont souvent les premiers à nous les signaler, d’ailleurs.

Comme Marie-Christine Perras, par exemple, qui nous reprochait à la mi-avril avec un certain humour d’avoir écrit que les vaches émettent des GES avec leurs flatulences.

« Cette affirmation est biaisée. La vérité : seulement 5 % de leurs GES émis proviennent de leurs flatulences. Ce sont leurs rots qui produisent 95 % des GES. Erreur d’orifice ! J’espère que vous apporterez un correctif et contribuerez à rétablir la vérité. »

Ce que nous avons bien sûr fait. Dès le lendemain.

« Rigueur, rigueur, rigueur. »

Pour joindre l’éditeur adjoint, veuillez écrire à l’adresse suivante : françois.cardinal@lapresse.ca