Vous serez nombreux cette semaine à tenter de créer des moments que vous souhaiterez féeriques avec les membres de votre clan familial. Vous allez puiser au fond de vous-mêmes toute la créativité qui s’y trouve pour inventer des activités de toutes sortes.

Du patin en forêt, de l’escalade en montagne, un gâteau aux trois chocolats (celui qui a fait la couverture de Coup de pouce), un casse-tête de 5000 morceaux d’une tapisserie du Moyen-Âge et que sais-je encore ?

Mais il y a de fortes chances que votre enthousiasme de gentil organisateur se bute à l’indifférence et à l’inertie de vos enfants complètement absorbés par un jeu vidéo ou hypnotisés par TikTok.

« Pas envie de faire de la raquette », dira nonchalamment votre ado en ne lâchant pas des yeux son téléphone portable.

Je vous parle du mal de notre siècle, la fameuse dépendance aux écrans.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

« On ne cesse de répéter depuis le début de la pandémie que le temps consacré aux écrans a fortement augmenté. L’organisation de la vie familiale a été hautement chamboulée ces derniers mois. Beaucoup de gens, notamment chez les jeunes, ont doublé ou triplé le nombre d’heures qu’ils passent devant des écrans », écrit notre chroniqueur.

La sortie de Dany Turcotte dimanche soir à Tout le monde en parle au sujet de « cours sur les réseaux sociaux » qui devraient être offerts aux enfants m’a interpellé. Je me suis demandé si prendre de front les jeunes à l’école était la bonne voie à emprunter.

J’en ai parlé avec Cathy Tétreault, directrice et fondatrice du Centre Cyber-aide, à Québec. Depuis 10 ans, cette femme travaille à informer et sensibiliser le public québécois, notamment les jeunes, au sujet des risques de dérapage dans le monde virtuel. Tout en croyant qu’une stratégie ciblant les jeunes est une bonne approche, Cathy Tétreault rappelle qu’une partie de ce travail est déjà fait depuis l’entrée en vigueur, en 2012, de la Loi visant à prévenir et à combattre la violence et l’intimidation à l’école.

Pourrait-on en faire davantage ? Sans aucun doute.

Après plusieurs années d’intervention dans les écoles, Cathy Tétreault a une pensée moins magique, plus pragmatique. « Bien sûr qu’il faut travailler sur les jeunes, mais à quoi ça sert de faire cela quand ils n’ont qu’à lever les yeux pour découvrir les échanges violents entre les adultes ? »

En effet, on a beau prendre la voix de Passe-Partout et dire aux enfants et aux adolescents qu’ils « ne doivent pas dénigrer leurs petits camarades », si une demi-heure plus tard ils tombent sur le message d’un homme qui dit à un autre que « la corde est en spécial cette semaine chez Rona », le mal est fait.

Jasmin Roy, de la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais, estime qu’il ne faut pas stigmatiser les jeunes et plutôt adopter une approche systémique. « Il faut travailler sur les aspects émotionnel et relationnel, sur la confiance, sur la conscience sociale. Il faut que les gens qui sont à l’origine de ces problèmes acceptent que cela parte d’eux-mêmes. »

Il n’est pas facile d’être empathique à l’égard de ceux et celles qui font preuve de violence sur les réseaux sociaux. Pourtant, la clé est là. « Ce sont des êtres profondément malheureux, dit Cathy Tétreault. Il faut savoir les comprendre. »

Le problème de la violence sur les réseaux sociaux est un problème d’estime de soi, celle que l’agresseur n’a pas et celle que perd la personne agressée.

Jasmin Roy a parfaitement raison. C’est là-dessus qu’on doit travailler.

La semaine dernière, dans la quasi-indifférence, le gouvernement du Québec a lancé son nouveau Plan d’action 2020-2025 pour prévenir et contrer l’intimidation et la cyberintimidation. Il s’agit d’un plan concerté qui réunit 17 ministères et organismes gouvernementaux. C’est l’outil principal dont se dote le Québec pour lutter contre ce fléau.

En avez-vous entendu parler ? Moi pas.

C’est François Legault, celui-là même qui a reçu des menaces de mort l’automne dernier sur les réseaux sociaux, qui présente ce plan accompagné d’un budget de 30 millions de dollars que Jasmin Roy qualifie de « correct », mais sans plus. « C’est un grave problème de société et le Québec accuse un retard énorme dans ce domaine », dit-il.

On ne cesse de répéter depuis le début de la pandémie que le temps consacré aux écrans a fortement augmenté. L’organisation de la vie familiale a été hautement chamboulée ces derniers mois. Beaucoup de gens, notamment chez les jeunes, ont doublé ou triplé le nombre d’heures qu’ils passent devant des écrans.

Il ne faut donc pas s’étonner de voir une multiplication des psychologues et des centres de thérapie spécialisés dans la dépendance aux écrans. Entrez ces mots clés sur Google et vous allez voir.

Cette forme de dépendance fait apparaître toutes sortes de nouveaux phénomènes, comme le syndrome FOMO, acronyme de « fear of missing out » (peur de rater quelque chose). C’est la crainte de rater un appel, un texto ou de ne plus avoir accès aux réseaux sociaux. Il en résulte une peur de ne plus avoir de batterie sur son téléphone intelligent, son ordinateur portable ou sa tablette. Voir le niveau de charge qui diminue, la barre qui devient rouge crée une angoisse chez une bonne part des utilisateurs.

Des amis m’ont déjà raconté la crise de leur adolescent qui, en arrivant au chalet un vendredi soir vers 21 h, s’est rendu compte qu’il avait oublié le chargeur de son téléphone portable. Mauvais moment pour les parents.

Les personnes les plus touchées par le phénomène FOMO sont celles qui sont nées avec les technologies et qui ont aujourd’hui de 18 à 34 ans. Cette tranche d’âge souffre davantage de ce qu’on appelle la nomophobie (no mobile phone phobia) ou la mobidépendance.

C’est dans ce contexte que sont nées les journées mondiales sans téléphone portable qui avaient lieu les 6, 7 et 8 février dernier. Eh oui, nous en sommes là !

Après le mois sans alcool, la journée sans Facebook, la journée sans maquillage, la journée sans voiture, voilà qu’on suggère aux gens d’avoir une réflexion sur cet objet que l’on consulte jusqu’à des centaines de fois par jour.

Et qui donne le vertige quand sa batterie est faible, à défaut de mettre la nôtre à terre.