C’est à un véritable cours 101 d’entrées clandestines de la police chez des suspects que le juge et les autres personnes présentes dans la salle du procès du Hells Angel Claude Gauthier ont eu droit mardi, au palais de justice de Montréal.

Gauthier, 52 ans, est accusé de gangstérisme, de complot et de trafic de stupéfiants à la suite de son arrestation au printemps 2019 dans le démantèlement d’un réseau de trafiquants qui étaient actifs dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu.

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Claude Gauthier

Au cours de l’enquête baptisée Orque, les limiers de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) sont entrés subrepticement chez Gauthier à Nicolet à quatre reprises, ainsi que chez certains de ses coaccusés.

Lors de leur première visite chez Gauthier, dans la nuit du 30 septembre 2018, ils sont restés durant 3 h 10 min et ont trouvé 2400 $ en billets de 20 $ dans le vaisselier de la salle à manger.

Des limiers méticuleux

L’enquêteur Sébastien Lévesque a témoigné et souligné à plusieurs reprises la grande minutie et toutes les précautions dont doivent faire preuve les policiers pour ne pas que les individus ciblés se rendent compte de leur intrusion.

Il a dit croire que les billets trouvés dans le vaisselier pouvaient avoir été disposés par celui qui les a placés là de façon à s’en apercevoir si jamais des policiers les manipulaient. Il a également remarqué qu’un élastique avait été coincé sous un autre enroulé autour de la liasse, peut-être dans le même but.

Cette nuit-là, les policiers ont visité toutes les pièces de la maison et ont dû utiliser le moins de lumière possible pour fouiller les meubles et garde-robes, et photographier et filmer les pièces et objets. C’est sous une faible luminosité qu’ils ont inspecté la Harley-Davidson de Gauthier aux couleurs des Hells Angels entreposée dans son garage.

« C’est un quartier résidentiel. Les maisons sont collées les unes sur les autres. On y est allés pas de flash, pas de lumière. Ce n’est pas un endroit où l’on peut se permettre d’allumer toutes les lumières car on va se faire remarquer. On n’a pas plusieurs chances d’être là alors quand on est là, on a un appareil photo et une caméra avec nous », a commenté le témoin.

L’enquêteur Lévesque a expliqué pourquoi, lorsqu’un enquêteur entre dans une pièce, il la filme en plans rapprochés et en plans éloignés et pourquoi il fait de même lorsqu’il ouvre un tiroir, avant de le fouiller.

On prend des vidéos plus proches et plus larges. Car on doit se rappeler : la porte est-elle ouverte au quart, aux trois quarts ? Des fois, on accroche des choses et on doit les replacer exactement comme elles étaient.

Sébastien Lévesque

« On filme, on regarde des choses et on les replace après. On veut vraiment que ce soit replacé pratiquement au millimètre près, au centimètre près », a décrit l’enquêteur.

Lors d’une autre entrée subreptice chez un coaccusé, Denis Savoie, les enquêteurs sont parvenus à prélever un échantillon de cocaïne sans que cela paraisse. Ils ont dû quitter précipitamment la maison car la conjointe du suspect s’y dirigeait.

Ils sont aussi entrés clandestinement chez un membre de la famille d’un autre Hells Angel arrêté dans la même enquête, Pascal Facchino, et trouvé cinq liasses totalisant 15 000 $ dans deux boîtiers d’instruments de musique.

« On a pris des photos avant de noter les numéros de série pour s’assurer de la disposition des liasses. Chaque détail est vraiment important », a poursuivi l’enquêteur Lévesque.

Insolence d’une caméra

Le contre-interrogatoire du témoin par l’avocate de Gauthier, MMylène Lareau, a permis de savoir que des policiers du soutien technique se sont rendus chez le motard le 19 octobre 2018 pour replacer une caméra clandestine installée précédemment dans sa cuisine, et dont l’angle n’était pas optimal.

Cuisiné par MLareau, l’enquêteur Lévesque, qui était présent avec les membres du soutien technique ce jour-là, a dit se souvenir que les techniciens faisaient face à un problème, mais sans plus.

« Quand le technique fait quelque chose, c’est 100 % secret même pour moi, même si je suis dans la même pièce. Ils vont me demander d’aller dans l’autre pièce si je suis présent. Je ne peux pas avoir la tête par-dessus leur épaule et regarder ce qu’ils font. Jamais ils ne toléreront cela », a répondu le témoin.

La prétention de MLareau est que les techniciens ont eu de la difficulté à cacher la caméra ce jour-là.

Trois semaines plus tard, Claude Gauthier l’a découverte. MLareau anticipe que la Couronne dira que le motard a trouvé la caméra car il avait des choses à se reprocher et était méfiant. La défense fera valoir que c’est parce que Gauthier, qui connaît bien sa maison, l’a simplement remarquée et retirée.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.