(OTTAWA) Déblocage en vue dans le dossier du logement abordable : le gouvernement Trudeau a soumis une nouvelle proposition à Québec qui lui donnerait plus d’autonomie dans la gestion de la somme de 1,7 milliard qui lui revient sur une période de 10 ans dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, a appris La Presse.

En vertu de cette nouvelle offre, Ottawa accepterait que le gouvernement du Québec rende des comptes en déposant un rapport annuel à l’Assemblée nationale sur les investissements et les progrès réalisés, au lieu d’exiger que la province remette ce rapport au gouvernement fédéral. Les autres provinces doivent soumettre un rapport tous les six mois à Ottawa.

En outre, le gouvernement fédéral accepterait que le Québec présente un seul plan d’action pour la durée de l’entente de 10 ans, tandis que les autres provinces doivent soumettre un plan tous les trois ans.

Enfin, Ottawa ne s’opposerait plus à ce que le Québec ait son mot à dire quant à l’approbation de tous les projets de logement abordable, même dans le cas des projets où le gouvernement provincial n’investit pas un sou.

« Cela fait un certain temps qu’on négocie. Cette proposition a été soumise cette semaine et elle devrait répondre aux principales exigences du gouvernement du Québec. On reconnaît que le Québec assume beaucoup de responsabilités dans le domaine du logement. La proposition vient reconnaître cela et offre une asymétrie au Québec », a fait valoir une source gouvernementale qui a requis l’anonymat afin de s’exprimer plus librement.

Porte ouverte

Selon nos informations, le gouvernement Legault s’est engagé à étudier la dernière offre, ouvrant ainsi la porte à un déblocage qui permettrait des investissements cruciaux dans ce secteur au cours des prochaines années.

« Avec ce qui est sur la table, on donne essentiellement un droit de veto à Québec. Car même dans le cas des projets que Québec ne finance pas directement, il va avoir son mot à dire », a souligné cette source.

Depuis qu’il a lancé la Stratégie nationale sur le logement en 2017, le gouvernement Trudeau a conclu une entente avec l’ensemble des provinces, sauf le Québec.

Le gouvernement Legault, à l’instar de l’ancien gouvernement libéral de Philippe Couillard, tient mordicus à avoir la maîtrise d’œuvre de la planification et de la gestion des services de logement en utilisant les cadres existants, notamment le programme AccèsLogis.

La Stratégie nationale sur le logement prévoit des investissements combinés du gouvernement fédéral et des provinces de quelque 55 milliards sur une période de 10 ans afin d’améliorer l’accès à des loyers abordables. Cette initiative vise à créer 100 000 nouveaux logements, à combler les besoins en logement de 530 000 familles, et à réparer et renouveler plus de 300 000 logements communautaires. On vise aussi à réduire de moitié l’itinérance chronique.

En principe, le Québec doit obtenir environ 1,7 milliard du gouvernement fédéral.

Cri d’alarme

Cette semaine, le président de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), Alain Marcoux, a lancé un véritable cri d’alarme en soulignant qu’environ 10 000 logements abordables sont à risque au Québec parce que le gouvernement Trudeau et celui de François Legault sont incapables de s’entendre.

M. Marcoux a soutenu que des offres d’achat sur les terrains où doivent être construits ces 10 000 logements ne peuvent être maintenues indéfiniment. En tout, environ 6000 logements qui sont dans les cartons de l’AGRTQ seraient construits dans la région de Montréal. Dans le reste de la province, on dénombre 4000 autres logements, a précisé M. Marcoux.

« Nous avons 180 projets dans nos cartons dans les différentes régions du Québec qui sont prêts à développer, dont 70 projets à Montréal. On est prêts à relever le défi d’un grand chantier. Mais on ne peut pas maintenir les offres d’achat sur les terrains pendant très longtemps pour construire ces 10 000 unités », avait déclaré M. Marcoux à La Presse.

Récemment, les maires des 10 grandes villes du Québec ont envoyé une lettre à Justin Trudeau et à François Legault dans laquelle ils les pressaient de régler ce dossier. Dans cette missive, ils soulignaient que les besoins en matière de logement abordable sont plus criants que jamais dans certaines villes du Québec et que la crise de la COVID-19 risque de rendre encore plus difficile l’accès à des logements pour de nombreuses familles.