Ils ne ressentent peut-être pas la bourrasque ou le froid extrême leur geler les joues, mais ils sont au coeur de la tempête hivernale qui secoue le Québec. Derrière leurs nombreux et grands écrans, ils passent au crible les humeurs de dame Nature. Intrusion dans les coulisses de la première tempête de 2018 avec les prévisionnistes d'Environnement Canada.

Au septième étage de la tour Nord-Est de la Place Bonaventure, tout au fond, derrière une série de bureaux à cloisons, une porte s'ouvre sur un petit contingent de météorologues. C'est là qu'une dizaine de spécialistes d'Environnement Canada surveillent les aléas de la météo de jour comme de nuit, sept jours sur sept.

«Les jours de tempête, l'action est là», lance le prévisionniste opérationnel Bessam Bouagila. Sa collègue Maja Rapaic et lui se partagent la surveillance du Québec en entier. Lui se charge de l'Ouest et elle, de l'Est. Ils recueillent et comparent tout un amas de données et d'informations provenant des images satellites, des stations météo ou radars situées partout sur le territoire.

«Les informations sont disponibles de façon codée, on peut comprendre l'état des vents, des nuages», énumère M. Bouagila en montrant sur l'un de ses écrans les données fournies pour Montréal. Du chinois pour le commun des mortels. «Ce sont les météorologues qui rentrent les différents paramètres pour en arriver à une prévision», poursuit-il.

La précieuse prévision sera générée à partir d'un programme automatisé capable de résoudre une série de formules et d'équations mathématiques pouvant entre autres prévoir la trajectoire d'une tempête pour les 48 prochaines heures. La prévision sera ensuite inscrite dans un autre programme qui, lui, créera le texte que le citoyen lira sur le site d'Environnement Canada.

Une veille en continu

Les prévisions sont lancées en ligne à deux reprises dans la journée, à 5h et à 16h30. «La veille est cependant toujours active», assure M. Bouagila. Qu'il y ait tempête ou non.

«Il faut toujours surveiller ce qui se passe et s'assurer que les prévisions fonctionnent. Si ça ne fonctionne pas, je vais amender [la prévision] tout de suite. On est à l'affût de tout ce qui se passe.»

C'est le superviseur de quart qui crée les alertes ou avertissements météo en cas de besoin. Hier en début de soirée, c'était Pierre Vaillancourt qui était installé tout juste à côté de Bessam Bouagila. Sur ses écrans s'entremêlaient plusieurs couleurs. Des alertes de neige abondante, de tempête hivernale et de froid extrême s'animaient sur son radar. Neuf différentes alertes valaient pour tout le Québec.

Prévisions pour l'aviation

Au fond de l'espace de travail, François Dion, qui était accompagné de quelques collègues, s'affairait à la tâche avec sérieux. Son équipe transmet les prévisions météo pour tout le secteur de l'aviation. Leur travail peut être consulté partout dans le monde. «Chaque pays est responsable d'émettre des prévisions qui sont disponibles et gratuites», dit-il.

Devant ses yeux, des dizaines de points verts, dont certains tournaient au rouge. Chaque point correspond à un aéroport. «Une tempête quelque part a un impact sur un grand secteur. Des tempêtes comme [celle d'hier] vont générer des impacts sur l'aviation pendant plusieurs jours [...]. En général, quand il y a une tempête, tout s'emballe.»

«En aviation, il faut vraiment être sur le bon point. On a des systèmes qui vérifient nos prévisions chaque minute. Grosso modo, on fait des mises à jour toutes les six heures, et toutes les trois heures pour les plus gros aéroports», ajoute-t-il. Les prévisions valent pour les 12 ou 24 prochaines heures selon la taille de l'aéroport, sauf à Toronto où elles sont faites 30 heures d'avance.

Les équipes d'Environnement Canada se relayent toutes les 12 heures. Scotchés devant leur écran, les météorologues ne voient pas le temps passer quand dame Nature s'emporte. «On aime tous la météo, confie Maja Rapaic. C'est excitant de voir des effets qu'on ne voit pas tous les jours comme des vents très forts ou beaucoup de neige. Aujourd'hui, on a eu du -52 dans le Grand Nord. C'est fascinant.»