Les fouilles d'appareils électroniques pratiquées par les douaniers américains inquiètent les organisations de défense des droits de l'homme du pays, qui multiplient les recours pour forcer le département de la Sécurité intérieure à justifier ses pratiques.

Ces fouilles, qui ont notamment ciblé des ressortissants canadiens ayant cherché à se rendre aux États-Unis au cours des derniers mois, sont critiquées dans une nouvelle poursuite engagée par le Knight First Amendment Institute de l'Université Columbia.

L'organisation, qui se consacre à la défense de la liberté d'expression, a tenté en vain à la mi-mars d'obtenir du gouvernement des données précises sur la fréquence des fouilles d'appareils électroniques, leur cause et le profil des personnes ciblées.

Elle s'adresse maintenant aux tribunaux en vue de forcer le département de la Sécurité intérieure à obtempérer de «manière à informer le débat en cours sur la sagesse et la légalité» de ces pratiques.

Les téléphones et les ordinateurs, relève en entrevue Katie Fallow, du Knight Institute, sont «fondamentalement différents» des objets normalement soumis aux fouilles des douaniers puisqu'ils contiennent une mine d'informations personnelles sur leur propriétaire.

Malgré leur caractère sensible, relève l'avocate, une directive gouvernementale en vigueur depuis 2009 précise que le personnel frontalier a le droit d'inspecter les appareils électroniques d'un individu même sans avoir de raison de le soupçonner de malversation.



Davantage de fouilles


La situation est d'autant plus préoccupante, note Me Fallow, que le nombre de fouilles de ce type semble se multiplier depuis quelques années.

Dans certains cas, des voyageurs récalcitrants ont même été contraints, par la force, de remettre leur téléphone. Un homme de New York qui s'est rendu à deux reprises au Canada sur une courte période de temps début janvier a notamment été immobilisé par trois agents après avoir refusé à son second retour en sol américain de donner son téléphone.

La poursuite souligne par ailleurs que les autorités semblent cibler particulièrement les musulmans depuis l'introduction par le président Donald Trump d'un décret limitant l'entrée au pays des ressortissants d'une demi-douzaine de pays à majorité musulmane.

La fouille de journalistes est un autre sujet de préoccupation mis en lumière par le Knight Institute, qui cite notamment le cas d'un photojournaliste canadien, Ed Ou, s'étant fait refouler à la frontière américaine après avoir refusé de fournir les mots de passe de ses appareils électroniques.

Me Fallow note qu'il risque à terme de devenir difficile pour les journalistes de poursuivre les histoires qui importent s'ils sont incapables de protéger leurs sources du regard intrusif des douaniers.

L'obtention d'un mandat

Le scénario idéal, selon l'avocate, serait que le contenu des appareils électroniques ne puisse être accessible pour les douaniers qu'avec l'obtention d'un mandat donné par un juge. C'est déjà le cas pour la police qui dispose aux États-Unis d'une latitude moins grande que le personnel douanier en la matière, dit-elle.

Des cas de fouilles d'appareils électroniques ont aussi fait polémique récemment au Canada, où une directive a été introduite en 2015 pour encadrer les pratiques des douaniers.

L'Agence des services frontaliers précise dans le document que son personnel doit faire preuve de retenue puisque ces examens sont plus «personnels par nature» que les fouilles de bagages.

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Une hausse marquée

La poursuite du Knight First Amendment Institute relève, en citant certains comptes rendus médiatiques récents, que 25 000 fouilles d'appareils électroniques ont été réalisées en 2016 à la frontière américaine, comparativement à 5000 en 2015. Et que leur fréquence a encore augmenté en 2017 puisque 5000 contrôles auraient été effectués uniquement au cours du mois de février.