Le gouvernement conservateur dépose un projet de loi pour interdire aux musulmanes de prêter serment de citoyenneté le visage voilé.

Ils avaient promis de le faire. Ils l'ont annoncé à quelques reprises. Et c'est vendredi après-midi que le ministre d'État au multiculturalisme Tim Uppal et le secrétaire parlementaire Jacques Gourde se sont présentés devant les journalistes pour annoncer le dépôt du projet de loi, soit une demi-heure avant de mettre la clé dans la porte.

Les parlementaires ne reviendront légiférer qu'après les élections d'octobre.

L'intention du député Gourde était évidente.

«Nous, nous croyons que c'est une question de gros bon sens et ça représente nos valeurs canadiennes, donc nous allons déposer ce projet de loi aujourd'hui, en espérant que nous allons continuer dans la 42e législature», a-t-il dit en réponse aux nombreuses questions des journalistes.

Le Conseil national des musulmans canadiens n'a pas tardé à dénoncer la manoeuvre et le projet de loi qui, selon lui, «sape les principes de liberté et d'égalité si chers au Canada».

«Les droits fondamentaux, y compris la liberté de religion, ne peuvent pas être établis par un concours de popularité ou par les caprices de leaders politiques se dirigeant vers une élection», a tonné Ihsaan Gardee, le directeur de l'organisme, dans une déclaration publiée en fin de journée vendredi.

MM. Gourde et Uppal assurent que leur projet de loi respecte la Charte canadienne des droits et libertés et qu'il est constitutionnel. Ils ont toutefois été incapables de fournir les arguments juridiques pour appuyer leur déclaration.

«La loi dira que le serment de citoyenneté doit être vu et entendu», s'est contenté de préciser le ministre Uppal.

«Nous, ici, on présente des projets de loi, donc c'est aux cours de déterminer s'il est constitutionnel ou pas», a avancé M. Gourde, omettant l'obligation qu'ont les gouvernements de présenter des projets de loi qui respectent la Charte et la Constitution.

M. Gourde n'a pas réussi non plus à expliquer pourquoi son collègue Uppal qui arbore, pour des raisons religieuses, une moustache et une barbe fournies ne serait pas couvert par la loi qu'il propose, alors que les musulmanes qui se couvrent le visage avec un voile le seront.

M. Gourde a répété qu'il était ici question de «valeurs canadiennes» et de «gros bon sens».

En février, un juge de la Cour fédérale a invalidé une directive interdisant de prêter serment de citoyenneté le visage voilé. Cette directive, imposée par le gouvernement conservateur en 2011, contredisait les autres parties du Règlement sur la citoyenneté, de l'avis du juge Keith Boswell, dans la cause de Zunera Ishaq.

Le règlement impose aux juges de la citoyenneté de «faire prêter le serment de citoyenneté avec dignité et solennité, tout en accordant la plus grande liberté possible pour ce qui est de la profession de foi religieuse ou l'affirmation solennelle des nouveaux citoyens».

En avril, la Cour d'appel fédérale a accordé un sursis à l'exécution du jugement en attendant l'issue d'un appel que tente de faire entendre Ottawa.

«La politique selon laquelle tous les candidats doivent se montrer le visage lorsqu'ils prêtent le serment de citoyenneté demeure en place en attendant l'issue de l'appel», a précisé un porte-parole du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.