Le premier ministre Stephen Harper s'est entretenu avec le président cubain Raul Castro, samedi en fin d'après-midi, à la conclusion du Sommet des Amériques au Panama.

M. Harper a indiqué qu'il avait eu une discussion «longue et détaillée» avec le dirigeant communiste, ajoutant qu'il était temps d'adopter une «approche différente» envers Cuba.

Plus tôt, MM. Harper et Castro s'étaient échangé une poignée de main juste avant de se placer pour la traditionnelle photo de groupe des participants à l'événement. Il s'agissait de leur première rencontre, a confirmé l'entourage du premier ministre.

Quelques minutes auparavant, le premier ministre canadien s'était dit «ravi» que tous les pays d'Amérique latine soient représentés, dont Cuba. Il s'est dit heureux que le Canada ait pu «faciliter le dialogue» entre les États-Unis et Cuba.

Le premier ministre Harper faisait ainsi référence au rôle que le Canada a joué dans le dégel historique des relations entre les deux pays, étant l'hôte d'une série de séances de négociations entre l'administration Obama et le gouvernement Castro.

Il s'agit d'un changement de ton pour le gouvernement Harper qui a déjà été dur à l'endroit de Cuba et du régime communiste. Il s'était initialement opposé à sa participation au Sommet. Récemment, le gouvernement avait toutefois affirmé qu'il était enchanté de la direction que prend Cuba en renouant ses liens diplomatiques avec les États-Unis. Ottawa demeure néanmoins inquiet du respect des droits de la personne sur l'île.

Lors d'une séance plénière, M. Harper avait d'ailleurs souligné les objectifs de son gouvernement pour le continent, qui comprennent la promotion des droits de la personne, la sécurité et la prospérité.

Il s'est réjoui que la démocratisation des pays se poursuive en Amérique latine, ajoutant cependant qu'il restait beaucoup de travail à faire.

«Cela implique des élections libres, équitables et régulières, la liberté d'expression, la liberté d'association et la liberté de réunion. Cela implique aussi des institutions indépendantes, dont les tribunaux, les partis politiques et les médias», a-t-il précisé.

Plus tôt, samedi, le premier ministre a aussi eu droit à une rencontre privée avec le président américain Barack Obama.

Les deux dirigeants ont discuté en faisant une marche dans le centre des congrès où se tient l'événement. La conversation semblait plutôt légère; les deux hommes sont apparus souriants lorsqu'ils sont passés brièvement devant les caméras de télévision.

Une porte-parole du premier ministre a précisé que MM. Harper et Obama avaient notamment parlé de croissance économique et de commerce. Ils auraient aussi abordé la question des changements climatiques en vue de la conférence sur le climat à Paris, en décembre.

M. Obama aurait aussi remercié M. Harper d'avoir permis la prolongation de l'intervention militaire du Canada au Moyen-Orient contre le groupe armé État islamique (ÉI).

Les relations entre le Canada et les États-Unis sont tendues depuis que le président américain a annoncé qu'il apposerait son veto si le Congrès autorisait la construction de l'oléoduc Keystone XL. Celui-ci acheminerait du pétrole provenant des sables bitumineux de l'Alberta vers les États-Unis.

Les liens du Canada avec le Mexique ont aussi été ébranlés par la décision d'Ottawa visant à imposer plus de restrictions aux ressortissants mexicains qui veulent obtenir un visa.

Plus tard, samedi, M. Harper devait également tenir une réception pour promouvoir les Jeux panaméricains et parapanaméricains, qui se tiendront dans la région de Toronto cet été.

Vendredi soir, le premier ministre a eu de brèves conversations avec plusieurs chefs d'État, dont le président mexicain, Pena Nieto et le président hondurien, Juan Orlando Hernandez, ainsi que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Il a aussi rencontré un observateur de la rencontre, le premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte.

Le Canada critiqué pour son faible niveau d'engagement

PANAMA CITY - Le Canada n'a pas encore désigné de nouvel ambassadeur à l'Organisation des États américains (OEA) qui organise le Sommet des Amériques en fin de semaine, au Panama, ce qui soulève des questions sur son réel niveau d'engagement en Amérique latine, selon certains experts.

Le gouvernement du Canada insiste qu'il n'y a rien d'anormal à laisser une chaise vide à l'OEA, même si l'ancien représentant a quitté déjà depuis le mois de novembre.

Or, pour plusieurs spécialistes, cette absence prouve que l'influence du Canada dans la région s'affaiblit de plus en plus et suscite des interrogations sur sa volonté de contribuer au sein de l'organisation qui coordonne l'événement au Panama- auquel participe le premier ministre Stephen Harper.

Peter Hakim, du groupe de réflexion Inter-American Dialogue s'est dit déçu qu'Ottawa ne nomme pas un nouvel ambassadeur malgré la tenue du Sommet des Amériques, reconnaissant toutefois que le Brésil et les États-Unis n'en avaient pas non plus. Il a affirmé que le Canada avait disparu de «l'écran radar» de l'Amérique latine au cours des dernières années et particulièrement dans les derniers mois.

Dans un courriel qu'il a fait parvenir à La Presse Canadienne, M. Hakim a rappelé que M. Harper, lors de son élection, avait fait de l'Amérique Latine une priorité - ce qui n'est pas du tout arrivé, selon lui.

Bien que le Canada ait reconduit son soutien financier à l'OEA, son aide est plus ciblée et considère moins la région comme un ensemble, a-t-il remarqué.

Une porte-parole du gouvernement du Canada a cependant assuré que le Canada continuait d'être bien représenté dans l'organisation par son chef de mission adjoint. Un ambassadeur sera nommé dans les prochains mois, a ajouté Caitlin Workman.

Au Panama, Stephen Harper s'entretiendra avec ses homologues pour faire la promotion des droits de la personne, de la sécurité et de la démocratisation dans la région.

Le spécialiste de l'Amérique latine au groupe de réflexion Canada West Carlo Dade croit cependant que la présence d'un ambassadeur est nécessaire pour que le message du premier ministre ait de l'influence.

«Si on ne joue pas un rôle de chef de file et qu'on ne veut rien retirer du sommet, on peut s'en sortir sans ambassadeur», a ironisé M. Dade, qui s'inquiète aussi de la vente de la résidence de l'ancien ambassadeur.

«Une atmosphère différente régnait à la résidence par rapport à l'OEA, au bureau d'un diplomate et à l'ambassade. Je ne sais pas comment on fera de la diplomatie [aussi] efficace sans elle», a-t-il indiqué.

Selon la porte-parole du gouvernement, la résidence a été vendue en juillet afin d'économiser de l'argent.

Le gouvernement canadien s'est malgré tout engagé à aider plusieurs pays d'Amérique latine, vendredi. M. Harper a annoncé une enveloppe de 98,1 millions de dollars d'aide pour des projets de nature économique à Cuba, au Honduras, au Pérou et au Guatemala.