Les bonnes années, le carnet de réservations de Vittorio Di Cesare pour les visites guidées des lieux saints de Jérusalem étaient remplis des mois à l'avance pour novembre et décembre. Cette année, pas un seul touriste ne s'est inscrit.

M. Cesare espère que prendra fin au plus tôt la vague de violences qui secouent depuis début octobre Jérusalem, Israël et les Territoires palestiniens occupés où les manifestations et les heurts sont quotidiens. Une cinquantaine de Palestiniens ont été tués, ainsi que huit Israéliens.

« Nous avons eu presque une année entière avec très peu de touristes. Ces derniers mois, nous avons bien travaillé. Mais à cause des nouveaux événements, les choses empirent », se désole M. Cesare, 58 ans dont 30 en Israël.

Les violences ont vidé les ruelles habituellement grouillantes de Jérusalem, qui sont aujourd'hui jalonnées de barrages policiers.

Au marché Mahane Yehuda à Jérusalem-Ouest, passage obligé des touristes, les ventes ont été divisées par cinq, assurent les commerçants.

L'impact est lourd car le secteur du tourisme israélien pèse cinq milliards de chiffre d'affaires par an et emploie 6 % de la population active.

Pour l'économie palestinienne, 20 fois moins active que l'israélienne dont elle est très largement tributaire, le tourisme représente environ 15 %, selon la Chambre de commerce internationale.

De nombreuses destinations touristiques populaires, comme Bethléem et la Vieille ville de Jérusalem, se trouvent dans des secteurs palestiniens, mais les excursions partent très majoritairement d'Israël, d'où les opérateurs emmènent les touristes pour de brèves visites.

Alors que Noël se profile à l'horizon, avec ses autocars de touristes venant marcher sur les pas du Christ à Bethléem et Jérusalem, les acteurs du tourisme prient pour un retour au calme.

Ils avaient déjà souffert, il y a un peu plus d'un an, de la guerre dans la bande de Gaza, qui avait fait perdre 260 millions de dollars aux hôtels israéliens, selon leurs représentants.

Annulations et adaptation

Deux compagnies de voyage allemandes ont annulé leurs voyages en Terre sainte jusqu'à fin octobre. Une troisième, Biblische Reisen, qui organise chaque année 100 voyages en Israël et dans les Territoires palestiniens, est inondée de coups de téléphone de clients inquiets.

Elle n'a annulé aucun départ jusqu'ici, mais dit adapter ses trajets en fonction de la situation.

À Bethléem, où les heurts se déroulent chaque jour au pied des hôtels, les autocars de pèlerins butent souvent sur les soldats israéliens déployés, leurs grenades lacrymogènes ou les jeunes lanceurs de pierres qui s'affrontent à quelques encablures à peine de l'église de la Nativité. Les hôtels, souvent enfumés par les lacrymogènes, semblent se vider.

« On sent qu'il y a une baisse du tourisme », reconnait-on à la chambre de commerce locale.

Tel-Aviv plutôt que Jérusalem 

Sur les huit premiers mois de 2015, le nombre de touristes est en recul de 8 % par rapport à l'année précédente, selon le ministère du Tourisme israélien.

« Pour le moment, les touristes viennent encore, il y a des annulations mais elles sont peu nombreuses », explique Amir Halevi, son directeur général. « Ce qui nous inquiète ce sont les mois de décembre, janvier et février », ajoute Pnina Shalev, porte-parole du ministère.

M. Halevi souligne que les touristes s'adaptent en changeant leur destination pour privilégier les lieux les moins touchés par les violences comme le littoral. « Ils vont plus à Tel-Aviv et moins à Jérusalem, mais c'est compréhensible ».

Mais, Marek, un touriste slovaque de 22 ans rencontré devant l'église du Saint-Sépulcre dans la Vieille ville de Jérusalem, assure que ni lui ni ses parents ne s'inquiètent. « Rien ne peut nous arriver en Israël: pour chaque touriste, il y a un policier », témoigne-t-il.

Les effets des violences se font déjà sentir avec la baisse du shekel israélien, et une longue crise pourrait avoir un « énorme » impact, affirme l'économiste Assaf Razin. « Israël va devoir augmenter ses dépenses de sécurité et de défense aux dépens des budgets sociaux, comme celui de l'éducation ». Une fuite des investissements étrangers et des cerveaux est également possible.

La deuxième Intifada, qui a duré de 2000 à 2005, avait ralenti la croissance de l'économie israélienne de 7 %, rappelle l'économiste.

L'impact sur l'économie palestinienne, qui repose déjà en grande partie sur l'aide internationale, sera encore plus fort et pourrait être quatre fois plus rude que pour l'économie israélienne sur une période de dix ans, avertit C. Ross Anthony, du think tank américain RAND.