On annonce que l’avion est prêt pour l’embarquement. Aussitôt, les passagers se lèvent et manœuvrent pour essayer de monter le plus rapidement possible à bord. En dépit des instructions du personnel, c’est la cohue.

À l’intérieur de l’avion, c’est l’embouteillage. Les uns se lèvent, d’autres s’assoient ou essaient de trouver une place pour leur gigantesque bagage à main. Pour la fluidité, il faudra repasser. Et les transporteurs aériens sont réticents à changer leurs façons de faire.

« Une espèce de routine s’installe », commente Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile et du programme de MBA à l’École des sciences de la gestion à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il explique que le personnel maîtrise cette routine d’embarquement et qu’il se base sur des pratiques bien établies pour régler les problèmes qui se présentent.

Il y a d’autres facteurs en jeu, comme le désir de favoriser les membres des programmes de fidélisation ou les détenteurs de cartes de crédit de catégorie Élite en leur permettant d’embarquer plus tôt, au risque de bloquer le passage aux suivants.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile et du programme de MBA à l’École des sciences de la gestion à l’UQAM

La compagnie aérienne essaie d’offrir un certain confort, une certaine distinction ou une perception de distinction pour améliorer l’expérience du passager afin qu’il reste fidèle.

Mehran Ebrahimi, directeur de l’Observatoire de l’aéronautique et de l’aviation civile et du programme de MBA à l’École des sciences de la gestion à l’UQAM

Pourquoi les passagers veulent-ils pénétrer le plus rapidement possible dans un étroit tube métallique au lieu de prendre quelques minutes supplémentaires pour se prélasser dans la salle d’attente ? Tout simplement pour arriver à ranger leur bagage à main dans le compartiment supérieur. Parce que si ce bagage ne parvient pas à s’y glisser, il risque, horreur, de se retrouver dans la soute.

Les passagers apportent à bord des bagages à main de plus en plus volumineux et lourds. Cette tendance est notamment due au fait que plusieurs transporteurs imposent des frais importants pour les bagages en soute. « Il y a un autre problème : un pourcentage plus élevé que d’habitude de bagages perdus ou abîmés, note M. Ebrahimi. Les gens préfèrent faire des compromis pour ne pas mettre de bagages dans la soute. »

Des tests

Au cours des années, les transporteurs ont essayé différents modèles pour tenter d’assurer un peu de fluidité dans le processus d’embarquement. Après avoir accordé la priorité aux passagers qui ont besoin d’assistance, comme il se doit, et aux passagers de la première classe et de la classe affaires, on peut d’abord faire embarquer les passagers situés au fond de l’avion. Ou on peut donner la priorité aux passagers assis près des hublots. United Airlines a causé la surprise récemment en choisissant ce dernier modèle, en expliquant qu’il devrait réduire le temps d’embarquement de deux minutes.

Air Canada s’intéresse également aux diverses méthodes d’embarquement. « Nous testons de temps à autre des processus d’embarquement différents, en évaluant le temps nécessaire, la commodité pour les clients et d’autres aspects de l’expérience aéroportuaire », fait savoir Christophe Hennebelle, vice-président aux Communications d’entreprise d’Air Canada.

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Depuis une dizaine d’années, Air Canada utilise un système par zones qui tient compte des statuts prioritaires de certains passagers et qui favorise l’embarquement de l’arrière vers l’avant de l’appareil.

Depuis une dizaine d’années, le transporteur canadien utilise un système par zones qui tient compte des statuts prioritaires de certains passagers et qui favorise l’embarquement de l’arrière vers l’avant de l’appareil. C’est une méthode que privilégient plusieurs autres transporteurs, comme Air Transat.

Mais elle n’est pas parfaite, reconnaît Bernard Côté, directeur du marketing et des relations publiques chez Transat. « De nombreux passagers ne respectent pas le numéro de groupe indiqué sur leur carte d’embarquement malgré les annonces leur demandant de rester assis jusqu’à ce que leur numéro soit appelé, déplore-t-il. Cela provoque souvent des embouteillages aux portes lors de l’embarquement, ralentissant ainsi le processus. »

Il ajoute toutefois qu’Air Transat n’a pas l’intention d’implanter un nouveau système d’embarquement dans un avenir rapproché.

Aux États-Unis, on a fait des études pour évaluer l’efficacité des différentes méthodes. La plus efficace ? Laisser les gens s’asseoir où ils veulent.

Or, les passagers détestent ce concept et les transporteurs aériens ne veulent pas renoncer aux frais qu’ils prélèvent pour la sélection de sièges.

Quelle que soit la méthode choisie, la fluidité n’est pas garantie. « Je peux très facilement vous monter un modèle, poser des paramètres, utiliser un algorithme, faire une simulation, je peux vous donner la façon la plus efficace de faire, déclare M. Ebrahimi. Mais très vite, votre modèle théorique est confronté à des questions problématiques. »

Ce peut être deux personnes qui ne s’entendent pas au sujet d’un siège, ou un nombre élevé de personnes en fauteuil roulant, ou un nombre inhabituel de mineurs non accompagnés, ou des passagers qui ne respectent pas les zones… et tout l’échafaudage s’écroule.

Ce qui vient jouer alors, c’est le leadership du personnel, son autorité, estime M. Ebrahimi. « J’ai vécu une expérience en Grèce où le personnel était complètement débordé. Ça a fait un bordel pas possible. »

Consultez une étude sur l’efficacité des diverses méthodes d’embarquement (en anglais)