Scooter ! Quand le mot a été lâché dans la salle de rédaction (virtuelle), cela m’a propulsé tout droit vers mon adolescence, quand mon fidèle Speedake figurait parmi mes meilleurs potes de l’époque. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de sillonner les chemins du Pays basque, mais de découvrir des aires de la Rive-Sud m’étant peu familières, pointées par mon collègue Pierre-Marc Durivage, fin connaisseur — et résidant – des environs. Constat : derrière les lacets autoroutiers subsistent encore les tissus d’une âme villageoise, propices à l’exploration en Vespa.
Un pont passé-présent
Conduire un scooter, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Dès les premiers coups de gaz, on renoue avec la caresse de la brise, le sentiment d’embrasser les rues, d’être injecté dans les veines de la ville. Partant de l’agence de location, nous voici à pavaner le long du Vieux-Port, en direction du pont Victoria qui me mènera à destination. Mon rétroviseur mental me renvoie aussitôt à ces anciennes virées à deux roues le long de la plage d’Hendaye. Mais c’est devant qu’il faut regarder, car le pont se profile, avec sa chaussée grillagée en métal peu hospitalière pour de petites jantes : on a l’impression de rouler sur une savonnette ! Mais en se décrispant, on laisse le guidon faire le travail et nous voici de l’autre côté du fleuve.
Entre Le Havre et le parc du Havre
Le défi du parcours se présente vite : se frayer un chemin en évitant les voies de desserte. Mieux vaut établir son trajet à l’avance pour éviter le rodéo routier. En tricotant un peu, nous voici au parc du Havre, une bande verte le long du fleuve offrant un beau panorama sur Montréal et le pont Champlain, où des badauds relaxent et pêchent. À peine le scooter stationné, on sent qu’il intrigue. Un passant s’approche et voilà le moteur conversationnel lancé : admiratif de la Vespa, ce résidant de longue date de Saint-Lambert embraye sur des bribes d’enfance en Normandie — il avait 4 ans lors du Débarquement. Mais ici, au paisible parc du Havre, la guerre paraît bien loin.
Oh, tu tires ou tu pointes ?
Ma perception du parcours serait-elle déformée par l’association du scooter à l’adolescence ? L’escale suivante, le Vieux La Prairie, présente des airs de village du sud de la France : maisons historiques en brique, grande place principale respirant l’insouciance, ambiance de détente. Y garer la Vespa apporte la touche finale de la carte postale ! Ici, on s’arrête pour un café ou un sandwich gourmand (nous avons opté pour rillettes de canard, confit d’oignons et beurre à la moutarde) au Quartier Général, avant de déambuler dans les ruelles, pour tomber sur un confiseur à l’ancienne, Chez bonbons comme autrefois, où nous puisons des douceurs au sel de mer. Un geste qui inaugurera une nouvelle thématique du parcours : découvrir la « Rive-Sucre ».
Sous la jupe de Candiac
Cap sur Candiac, où le paisible parc André-J.-Côté nous accueille à bancs ouverts. La belle vue dégagée sur le fleuve et le coup d’œil original sur Montréal nous font changer d’air ! Est-ce l’Oratoire qui se dessine au loin ? En tentant de vérifier sur la carte, on constate surtout que pile en face se trouve… l’île aux Caleçons. Culotté, non ? Là encore, un promeneur nous aborde pour parler du scooter : « C’est tellement pratique, ces affaires-là ! » Et socialisant ! Si ça continue, peut-être faudra-t-il songer à en acheter un…
La belle artère de Saint-Lambert
Honnêtement, je ne connaissais Saint-Lambert que pour ses plaintes relatives au bruit des festivals voisins. On comprend mieux la tranquillité à préserver en la voyant de près : la belle avenue Victoria, colonne vertébrale de la ville, a beaucoup à offrir. En trois coups de deux-roues, on butine d’une chouette enseigne à l’autre, alléché par l’odeur du Café Pistache, du Webster ou de L’Échoppe des fromages. Pour rester sur le thème « Rive-Sucre », on s’offre un délicieux gelato citron-basilic chez Alimentari Sud, à deux pas de l’artère, pour le déguster dans l’agréable parc du Village.
Les endroits chouchous du Vieux-Longueuil
Toujours en esquivant les voies de desserte, on sillonne les rues résidentielles pour aboutir au Vieux-Longueuil et à la rue Saint-Charles, semi-piétonnière pour l’été, avec des terrasses à gogo pour tous les goûts ! Le carburant de l’engin baisse, celui du pilote aussi ; quelle pompe à sucre avons-nous ici ? Ah, voilà de fondants churros au Café Chichi (un autre souvenir émerge : « Qui veut des churrooooos ? », gueulait une doyenne dans sa baraque sur la plage d’Hendaye, une institution locale). Assis sur la selle, on les croque avec bonheur et un étonnement dédoublé : 1. de la cannelle s’est invitée sur les bâtonnets 2. quelle bonne surprise de dénicher un tel produit en ces lieux. Ah, les bons plans de Pierre-Marc…
Et puisque les churros appellent la plage, fonçons-y plein pot.
Une bouchée du Vieux-Boucherville
Après quelques démêlés routiers pour passer du côté nord de l’autoroute 20 en évitant les voies rapides, le calme du cœur historique de Boucherville fait un bien fou. On laisse la Vespa devant la marina pour s’abandonner sur la petite plage-terrasse de Chez Guédille, où sont servis des classiques de la restauration rapide et de bonnes idées (poké au homard) — un tantinet onéreux, mais c’est justifié par le cadre. Charmantes, les ruelles alentour, dépourvues de trottoirs, s’explorent à basse vitesse, comme dans un petit village italien. On refait le plein de sucre à la Crémerie du Vieux, avant de découvrir des trésors pour la maison à La Maison Allumette.
Le compteur tourne, l’heure aussi, et celle du retour a sonné, il faudra restituer cette chère Vespa… si on y arrive. Avec la batterie de téléphone à plat en plein chemin de traverse, on a bien failli ne jamais retrouver le pont ! Cela aurait-il été vraiment un problème ? Une vie sucrée consacrée au scooter, à écumer des cœurs urbains historiques insoupçonnés, n’est-ce pas là une belle tranche de bonheur ?
Notre démarche
Nos trois journalistes ont concocté un itinéraire sur mesure destiné à leur collègue choisi. Au matin du départ, ils se sont réunis pour prendre connaissance de leurs parcours respectifs. Ils nous font maintenant part de leurs trouvailles.
Le mot de l’auteur du circuit
Pour tout vous dire, la Rive-Sud est mon patelin, je la connais par cœur. L’idée était donc d’attirer « outrepont » mon urbain collègue, car le scooter permet justement de s’aventurer hors de l’île. Évidemment, il faut parfois tricoter un peu dans les quartiers résidentiels pour éviter les voies rapides, mais ça vaut certainement le coup, car il y a tout plein de trésors méconnus dans le Sud. J’ai donc proposé à Sylvain de se rendre dans le cœur villageois de quatre municipalités toutes proches, me limitant à quelques propositions triées sur le volet. Mon souhait était justement qu’il puisse s’imprégner à sa guise de ses nouvelles et inattendues découvertes !
Pierre-Marc Durivage, La Presse
Le bonheur est dans le prêt
Pour louer un scooter, rien de plus facile. Il vous faut avoir 18 ans, un permis de conduire (pour un scooter à essence) ou une pièce d’identité (pour un scooter électrique). Les prix tournent autour de 100 $ la journée (un peu moins pour l’option électrique). Voici deux bonnes adresses à Montréal où trouver véhicule à votre pied. Notez qu’ailleurs au Québec, beaucoup d’entreprises ont cessé leurs activités en raison de la pandémie.
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