Coiffé du symbole soviétique de la faucille et du marteau, le poste frontalier de la principale route qui sépare la Moldavie de la Transnistrie guide les voyageurs vers un autre monde : formalités strictes, étampes bruyantes, léger stress. Quelles questions seront posées? Faut-il payer le douanier? C’est entre autres ce que Marie-Ève Gingras, accompagnée de son conjoint, se demandait en arrivant en Transnistrie au volant d’une voiture de location depuis Chisinau, la capitale de la Moldavie.

Transnistrie 101

Pour qui s’intéresse à l’histoire, à la politique ou à la géographie, une saucette dans Wikipédia vaut le détour pour découvrir la complexité de cette république autoproclamée de 500 000 habitants (à ne pas confondre avec la Transylvanie, une région de la Roumanie). Sur le web, les commentaires intriguent : « Le visa n’est valide que durant 24 heures »; « la devise monétaire doit être changée et dépensée sur place »; « on ne peut payer qu’en argent comptant ». Rien pour arrêter Marie-Ève, bien au contraire.

Premier arrêt : Bender

« À Bender, la forteresse-musée nous a permis de découvrir l’influence ottomane de la région, le faux boulet du vrai baron de Münchhausen et un arsenal d’instruments de torture médiévaux, raconte l’avocate montréalaise. Quand on a expliqué à la guichetière du musée qu’on était dépourvus de devises locales, elle nous a discrètement invités à la suivre dans un bureau des années 60, doté d’un téléphone à cadran. Après avoir déposé notre argent moldave dans un coffret métallique, elle a placé l’index devant sa bouche en chuchotant que ce serait notre petit secret. Our little secret. Une scène mémorable! »

Incursion dans la capitale

À 20 minutes de distance de la forteresse de Bender se profile la capitale, Tiraspol. Marie-Ève relate son expérience : « On a remarqué la rareté des véhicules sur les larges avenues, joliment bordées d’arbres. Peu à peu, l’architecture et les monuments dévoilaient leur aspect insolite de musée soviétique à ciel ouvert, entre église orthodoxe et buste de Lénine. Une chose est sûre : dans ce territoire majoritairement russophone, qu’aucun pays de l’ONU ne reconnaît, le temps était bon et le ciel était bleu. »

Hôtel Russia et exploration des environs

« Nous avons déposé nos valises à l’hôtel Russia, explique Marie-Ève. Très convenable, l’immeuble semblait afficher un taux d’occupation plutôt modéré en ce début d’été. Un bureau de change situé à proximité nous a permis d’obtenir les fameuses devises locales, soit le rouble transnistrien. L’exploration des environs était douce et agréable. Nos pas nous ont guidés vers un sympathique bar-terrasse où nous avons apprécié la bière, les pistaches fraîches et le poisson séché. »

Vive le Kvint !

« En parcourant Tiraspol, on remarque des enseignes plus modernes, aux couleurs de Kvint, une distillerie active depuis 1897. Elle a donc survécu à tous les régimes politiques. Son cognac local du même nom est très populaire. Dès l’entrée, nous avons repéré les bouteilles sur les tablettes, affichant des années et des prix que notre esprit arrivait à peine à décoder… au point de sortir de l’établissement pour nous livrer à un calcul mathématique. » Conclusion? « Les prix étaient vraiment dérisoires! »

Bons baisers d’Ukraine

Marie-Ève poursuit : « Au souper, alors que des serveuses arborant le costume traditionnel ukrainien apportaient de la vodka au miel, la succession de plats, gorgés d’ingrédients frais et goûteux, constituait un vrai ballet pour le palais. Et même si le restaurant Kumanek, situé sur Strada Sverdlov, a tout du piège à touristes, il livre la marchandise à merveille. Nous en sommes ressortis réjouis et chargés d’une bouteille de l’intrigante vodka au miel. Le cœur et l’esprit légers, nous avons repris la direction de l’hôtel Russia. »

Jogging rédempteur

Non-pays, Ukraine, Moldavie, hôtel Russia, vodka au miel : la Transnistrie semble avoir tous les atouts pour étonner. « Au réveil, un superbe soleil matinal nous a conduits sur les rives du Dniestr, l'espace d’un superbe et tonifiant jogging. Idéal pour observer des équipes d’avironneurs, actifs sur des embarcations colorées, en bois. Après un petit-déjeuner à classer dans la catégorie "à oublier", nous sommes repartis de la Transnistrie en roulant à travers les paysages de cette splendide campagne », conclut Marie-Ève. Il s’agissait de céder à l’envie d’explorer cette destination hors du monde et du temps.