(Paris) Une session nocturne achevée à 2 h 22 du matin, une autre à 2 h 37, et Jannik Sinner qui déclare forfait pour « fatigue » dans la foulée : les soirées à rallonge à répétition au Masters 1000 de Paris réveille les interrogations autour de la programmation des matchs de tennis.

Le sujet est un serpent de mer du tennis, et Paris est loin d’être le seul tournoi incriminé pour ses nuits sans fin. Mais, forcément, le forfait du No 4 mondial Jannik Sinner, initialement attendu jeudi sur le court à peine une quinzaine d’heures après sa victoire en pleine nuit, à 2 h 37 du matin, pose question.

Le jeune Italien (22 ans), dont le match a commencé à minuit passé, a invoqué son état de « fatigue » pour justifier sa décision. « Je n’ai pu me coucher que quelques heures plus tard. J’ai eu moins de 12 heures pour me reposer et me préparer pour mon prochain match, a-t-il décrit sur les réseaux sociaux. Je dois faire ce que j’estime le mieux pour ma santé et mon corps. »

« Heureux de la victoire de Jannik, mais aucune considération pour le bien-être des joueurs avec la programmation à Paris », déplorait dans la nuit sur Instagram le respecté Darren Cahill, entraîneur de Sinner depuis l’été 2022. Quelques mots assortis d’un pouce baissé.

Triple finaliste en Grand Chelem et No 8 mondial, Casper Ruud a dit tout le mal qu’il en pensait sur X. « Bravo l’ATP, belle manière d’aider un des meilleurs joueurs du monde à récupérer et à être aussi prêt que possible quand il a fini son précédent match à 2 h 37 du matin. 14 h 30 pour récupérer. Quelle blague », a tancé le joueur norvégien, après que les organisateurs ont programmé le huitième de finale entre Sinner et Alex de Minaur en quatrième match de la journée, et non en session de soirée.

 4 h 06 à Melbourne en janvier

« Il y a une articulation de programmation. On essaie, même si on n’y arrive pas chaque fois, de respecter une forme d’équité entre les blocs de tableau, il y a les joueurs de simple impliqués en double, c’est compliqué, justifie le directeur du tournoi Cédric Pioline. Parfois on doit faire des arbitrages complexes, où on n’a pas de bonne solution. »

Avec six matchs quotidiens programmés sur le court central les quatre premiers jours à partir de 11 h, dans des infrastructures limitées, avec deux courts annexes sous-dimensionnés, le Masters 1000 de Paris prend le risque de journées qui s’éternisent bien au-delà de minuit.

Lundi déjà, la nuit de tennis s’était étirée jusqu’à près de deux heures et demie du matin.

Le record ? Quand en 2022 Corentin Moutet et Cameron Norrie avaient achevé leur match du deuxième tour, entamé après minuit, à 3 h 03 du matin.

La polémique revient régulièrement en Grand Chelem. Un peu à Roland-Garros depuis l’instauration en 2021 des sessions de soirée, légèrement avancées au printemps dernier. Beaucoup plus, par exemple, aux Internationaux d’Australie, comme en début d’année, quand Andy Murray a conclu son deuxième tour à 4 h 06 du matin. « Une farce », de l’avis du champion britannique.

« C’est fou. Aucun [autre] sport ne fait ça », avait réagi la No 5 mondiale Jessica Pegula, estimant que « l’ensemble des joueurs considèrent que ça ne doit plus arriver ».

« Un tournoi qui doit grossir »

L’autre conséquence des matchs qui durent, c’est le retard pris potentiellement par la session de soirée qui, à Paris, oblige de nombreux spectateurs à patienter dehors, parfois plusieurs heures comme mercredi soir.

« Night session à 19 h 30 et nous sommes toujours dehors par milliers à attendre comme du bétail !, s’énervait l’un d’entre eux sur X vers 21 h 30. 100 euros le billet pour un début au mieux à 22 h ! Considération du client nulle ! »

« Évidemment que ce n’est pas une situation idéale quand on a plusieurs milliers de personnes à l’extérieur en train d’attendre », convient Pioline.

Alors quelles pistes pour le tournoi parisien ?

Avancer le début des journées ? « Compliqué parce que les joueurs ne veulent pas forcément commencer trop tôt », répond son directeur.

C’est là qu’on reparle du projet de déménagement à horizon 2025, possiblement de l’est à l’ouest de Paris, à La Défense Arena, où il serait plus au large.

« Ça nous conforte dans l’idée que nous avons bien fait d’entamer cette réflexion par rapport à l’avenir du tournoi, qui devrait aboutir bientôt, estime Pioline. Aujourd’hui, dans les infrastructures existantes, le court No 1 n’est pas au niveau d’un Masters 1000, on le sait. C’est un tournoi qui doit grossir pour répondre à toutes les exigences. »

Les Internationaux d’Australie, eux, ont apporté sa réponse en passant de 14 à 15 jours à partir de son édition 2024.