Eugenie Bouchard est de retour à Montréal. Pour son entraînement hier matin, il y avait des caméras de télévision, des photographes, des journalistes calepin à la main en bordure du terrain. Même 117e au monde, elle ne laisse pas indifférent.

Elle est arrivée mardi soir de Californie, où elle était partie s'entraîner au soleil sous la supervision de Robert Lansdorp. Cette légende du tennis a mené Tracy Austin, Pete Sampras, Lindsay Davenport et Maria Sharapova au sommet de la hiérarchie mondiale.

L'idée, bien sûr, est de voir si elle peut bien s'entendre avec Lansdorp, avec l'objectif de stabiliser son entourage. Bouchard avait commencé 2018 avec l'entraîneur Harold Salomon à ses côtés, après que Thomas Högstedt lui eut tourné le dos quelques mois plus tôt. Des bouleversements qui ne plaisaient pas au capitaine de l'équipe canadienne Sylvain Bruneau.

«Ce sont des entraîneurs très compétents, mais parfois ils ont des philosophies différentes. Ça peut être le côté négatif, tu reçois des messages différents et tu perds tes repères, tu es dans le doute. Elle a besoin de stabilité.»

«Sur le plan technique et tactique, elle doit retourner à ses bases, le tennis d'attaque. Quand tu manques de confiance, ce type de tennis est plus complexe car c'est du tennis à haut risque. Mais c'est le tennis qu'elle doit jouer.»

La joueuse numéro un au pays n'a pas participé à la Fed Cup depuis 2015. On espère que sa présence sera bénéfique sur le plan sportif dans ce duel contre l'Ukraine pour demeurer dans le deuxième groupe mondial. Mais ce n'est un secret pour personne, Bouchard demeure le principal argument de vente du tennis féminin au Canada.

Bruneau assure que sa protégée adore la Fed Cup, malgré ses récentes absences. Il rappelle qu'elle devait y participer en 2016 contre la Slovaquie mais qu'une blessure est venue changer ses plans.

«Je sais que comme à l'occasion elle n'a pas été présente, les gens ne sont pas certains que ce soit vrai, mais elle adore représenter son pays. Elle est très patriotique. Elle aime l'ambiance de la Fed Cup et elle est contente que ce soit à Montréal.»

La question se pose toutefois : ses années d'insuccès ont-elles miné son attrait auprès du public?

«Elle est encore très jeune et les vrais amateurs aimeraient la revoir à son niveau, le niveau qu'elle est capable de jouer. On n'a pas jeté l'éponge du tout, absolument pas. Elle attire encore l'attention au Canada, mais ailleurs dans le monde aussi. Dans les grands chelems, les tournois d'importance, on lui réserve de bons terrains. Elle a encore beaucoup de fans.»

Garder espoir

Si on pose la question, c'est que Bouchard traîne la patte depuis son année de grâce en 2014. Elle avait quand même atteint la finale de Wimbledon et percé le top 5 mondial. Personne ne pourra lui enlever ce palmarès rarissime au Canada. Cette saison, difficile encore une fois, elle n'a gagné que quatre de ses dix matchs. Elle n'a atteint les quarts de finale qu'une fois, à Taipei, un tournoi somme toute mineur.

Quand Bruneau dit qu'il n'a pas jeté l'éponge, c'est qu'au fond de lui, il espère revoir l'Eugenie d'antan. Pour l'athlète elle-même, mais aussi pour l'état général du tennis canadien. Bouchard reste la Canadienne la mieux classée. Françoise Abanda (127e), Carol Zhao (136e) et Bianca Andreescu (197e) suivent.

«Le classement reflète les résultats, reconnaît Bruneau. Puisqu'elle n'a que 17 ans, Bianca ne peut pas jouer tous les tournois qu'elle veut. C'est un règlement de la WTA. Elle est limitée à 18 tournois. Dans le cas d'Eugenie, elle l'a vraiment prouvé, dans le cas de Françoise aussi, leur classement ne reflète pas leur valeur. Malgré les classements modestes, le tennis féminin est en santé. Mon souhait, mon travail en fait, c'est qu'on puisse se reparler dans un an ou deux et qu'il y ait plusieurs joueuses dans le top 100 et une belle relève. Je pense que ça va être le cas.»

Bouchard demeure la joueuse la plus susceptible d'intégrer le top 100. La Fed Cup ne l'aidera pas à obtenir des points WTA puisqu'il n'y en a pas à l'enjeu. Plutôt, Bruneau y voit une occasion de jouer des matchs et de regagner sa confiance, puis de transposer ces acquis sur le circuit courant.

«Il n'y a pas de formule magique. Je le répète depuis un moment, car je pensais qu'elle s'en sortirait plus rapidement. Je n'ai aucun doute qu'elle va réussir, il reste à voir quand. Elle doit continuer à travailler fort et rester motivée, même si la confiance n'est pas au sommet. Ça prend une seule occasion dans un tournoi, quelques victoires, pour reprendre confiance.»

Il reste à voir si la confiance reviendra ce week-end lors de matchs qui ne sont pas gagnés d'avance pour Bouchard. Même si on ne connaît pas encore les duels de simple, les Ukrainiennes Lesia Tsurenko (41e mondiale) et Kateryna Bondarenko (78e) ne sont pas à Montréal pour faire du tourisme.