Eugenie Bouchard a tenu tête aux dirigeants du tennis américain avec assurance, aujourd'hui, lors de son témoignage à son procès pour négligence à New York. Deux ans après sa commotion cérébrale causée par une chute dans une salle de physiothérapie de Flushing Meadows, la joueuse de tennis persiste et signe: elle est entrée dans la pièce de son plein droit.

Le procès devant jury s'est ouvert hier matin en cour fédérale, au palais de justice de Brooklyn. Un verdict pourrait être rendu dès demain.

Eugenie Bouchard poursuit l'Association américaine de tennis (USTA) et le Centre national de tennis, après avoir glissé sur une substance visqueuse répandue sur les tuiles d'une salle de physiothérapie (située à même le vestiaire). L'accident est survenu le soir du 4 septembre 2015 après son match de double mixte aux Internationaux des États-Unis. 

L'USTA allègue que les athlètes n'ont pas le droit de se trouver à l'intérieur des salles de physiothérapie en dehors des heures d'ouverture sans la présence d'un thérapeute.

Ce matin, l'avocat d'Eugenie Bouchard a déposé en preuve plusieurs documents, dont un cours en ligne destiné aux joueuses et le livre de règlements des Internationaux des États-Unis. Cette règle ne figure nulle part.

Lors de son contre-interrogatoire, Eugenie Bouchard en a remis une couche, stoïque: «nous pouvons aller et venir à notre guise», a-t-elle martelé. «Les joueurs entrent seuls dans la salle de physiothérapie tout le temps, ça fait partie du vestiaire.»

Même lorsque l'avocat de l'USTA, Me Alan Kaminski, a continué à lui poser la question de différentes manières, l'athlète n'a pas dérogé. «[Les thérapeutes] nous encouragent à fréquenter la salle de physiothérapie lorsqu'ils ne sont pas là», a déclaré la jeune femme de 23 ans, en soulignant que c'est là que se trouvent les breuvages et les barres protéinés consommés par les joueuses. 

«J'étais sous le choc»

La poursuite a révélé hier que la substance glissante appliquée sur le plancher est un produit «en spray» nommé Oasis 299. Il a été utilisé pour la toute première fois le soir de l'accident.

Fait inusité, les trois préposées à l'entretien à l'horaire nient avoir appliqué le produit, qui permet de faire décoller du plancher des morceaux de ruban adhésif servant à soutenir les muscles des athlètes.

Cette substance acide doit agir entre 15 et 20 minutes avant d'être rincée. C'est durant cet intervalle que Eugénie Bouchard est entrée dans la pièce, vers 23h10. Elle revenait d'une conférence de presse et voulait prendre un bain de glace comme elle le fait à la fin de chaque journée de compétition.

«Les lumières étaient fermées ou tamisées. Mon intention était de trouver l'interrupteur pour allumer les lumières pour aller prendre mon bain. J'ai fait deux pas, j'ai glissé sur le dos, le derrière de ma tête a cogné le plancher. Je me suis retrouvée couverte de la substance. Au début, j'étais sous le choc, puis la première sensation que j'ai ressenti en était une de brûlure. Je suis sortie de la pièce paniquée», a-t-elle raconté lors de son témoignage qui a duré environ 75 minutes durant lesquelles elle a gardé un ton calme.

Incommodée par la sensation de brûlure, Eugenie Bouchard a pris une douche et a rapidement quitté les lieux. Elle s'est rendue à l'hôpital par elle-même.

Un règlement de l'USTA prévoit que les vestiaires ne peuvent pas être nettoyés avant le départ du dernier athlète. Eugénie Bouchard a déclaré que son sac d'équipement et ses effets personnels étaient bien en vue sur un banc durant son absence et au moment de l'accident.

Verdict imminent

Il reste seulement un témoin à être entendu dans le cadre de la première phase du procès. Il s'agit de la thérapeute à qui Mme Bouchard a demandé un bain de glace après son match, qui s'est terminé à 21h44.

Elle est le seul témoin de la défense. Selon Me Kaminski, elle viendra essentiellement dire que les athlètes ne peuvent pas être dans les salles de physiothérapie sans la présence d'un thérapeute.

Les avocats feront ensuite leurs plaidoiries. Le jury devra décider par la suite si l'USTA a été négligente. Cette étape devrait être très rapide puisqu'en droit civil américain, le jury n'a pas besoin d'arriver à un verdict unanime.

Si la majorité des membres du jury donne raison à Eugenie Bouchard, le procès se poursuivra encore pour une semaine afin de déterminer la valeur des dommages subis par l'athlète. On ne sait pas combien la joueuse de tennis demande, mais selon avocat, il pourrait s'agir «de millions et de millions».

Au moment de l'accident, Eugenie Bouchard occupait le 25e rang mondial. En raison des séquelles de sa commotion, elle a dû déclarer forfait à plusieurs tournois, ce qui l'a fait chuter au classement et potentiellement fait perdre des prix en argent et des commandites. Aujourd'hui, elle se trouve au 116e rang.