Deux ans après sa commotion cérébrale causée par une chute dans le vestiaire de Flushing Meadows, Eugenie Bouchard était de retour à New York, hier, pour assister à l'ouverture de son procès contre les dirigeants du tennis américain. Elle devrait témoigner aujourd'hui.

Les organisateurs des Internationaux des États-Unis ont-ils enfreint leurs propres règles en nettoyant le plancher du vestiaire avant le départ du dernier athlète, ou est-ce plutôt Eugenie Bouchard qui a été l'artisane de son propre malheur en s'aventurant seule dans une salle de physiothérapie en dehors des heures d'ouverture?

Les sept jurés sélectionnés hier - trois hommes et quatre femmes - devront choisir l'une de ces deux versions au cours des prochains jours.

Le procès s'est ouvert, hier matin, en présence de l'athlète québécoise, qui semblait détendue malgré les circonstances. Tout au long de la journée, la jeune femme a échangé des regards et des sourires avec sa mère, Julie Leclair, qui a épaulé sa fille à partir de la première rangée.

Eugenie Bouchard poursuit l'Association américaine de tennis (USTA) et le Centre national de tennis pour négligence, après avoir glissé sur une substance visqueuse répandue sur les tuiles d'une salle de physiothérapie (située à même le vestiaire). L'accident est survenu le 4 septembre 2015 après son match de double mixte aux Internationaux des États-Unis.

Qui a appliqué la substance glissante?

La poursuite a révélé hier qu'il s'agit d'un produit «en spray» nommé Oasis 299, utilisé pour la toute première fois le soir de l'accident. Or, les trois préposées à l'entretien à l'horaire nient avoir appliqué le produit, qui permet de faire décoller du plancher des morceaux de ruban adhésif servant à soutenir les muscles des athlètes. Cette substance acide doit agir entre 15 et 20 minutes avant d'être rincée.

La chef des préposées à l'entretien, Karen Owens, a été appelée à la barre des témoins par la poursuite, hier. Cette dernière affirme avoir vu une de ses subalternes appliquer le liquide. Or, cette dernière était enceinte de 8 mois au moment des faits, selon l'avocat d'Eugenie Bouchard, et n'aurait donc pas pu utiliser un tel produit chimique.

C'est sur cette contradiction que l'équipe juridique d'Eugenie Bouchard veut attaquer la crédibilité de l'USTA. «C'est seulement 14 mois après l'accident que Karen Owens a révélé l'identité de l'employée qui a appliqué la substance. Je crois plutôt que c'est Karen Owens qui l'a fait et qui a menti pour ne pas perdre son emploi», a déclaré Me Benedict Morelli, l'avocat d'Eugenie Bouchard.

Pour l'USTA, par contre, la personne qui a répandu le produit importe peu. Selon son interprétation des règlements, un athlète ne peut se trouver à l'intérieur de la salle de physiothérapie sans la présence d'un thérapeute.

Qui est responsable de la salle de physiothérapie?

Eugenie Bouchard, quant à elle, allègue qu'elle avait prévenu sa physiothérapeute qu'elle souhaitait prendre un bain de glace à la sortie de son match, à 21h44.

Les physiothérapeutes sont officiellement des employés de la Women's Tennis Association (WTA). Ils suivent les joueuses partout dans le monde. Selon la USTA, ce sont les thérapeutes de la WTA qui contrôlent les salles de physiothérapie, même si elles se trouvent à l'intérieur de ses vestiaires. Ce sont donc les règles de la WTA, qui stipulent que les traitements doivent se terminer une heure après la fin du dernier match disputé, qui s'appliquent.

Une heure après la fin du match, Eugenie Bouchard n'était toujours pas de retour. Une thérapeute est partie à sa recherche, en vain. Les thérapeutes ont donc quitté les lieux à 23h05.

Karen Owens affirme que c'est à ce moment qu'elle a demandé à faire nettoyer la pièce.

Eugenie Bouchard est revenue dans les vestiaires à 23h10 après une conférence de presse. C'est à ce moment qu'elle a croisé Mme Owens, qui ne l'a pas prévenue du danger.

Selon Me Morelli, c'est toutefois un règlement de la USTA qui prévaut. Il prévoit que les planchers du vestiaire ne peuvent pas être nettoyés avant le départ du dernier athlète du vestiaire.

«Des millions et des millions» en jeu

Au moment de l'accident, Eugenie Bouchard occupait le 25e rang mondial. En raison des séquelles de sa commotion, elle a dû déclarer forfait à plusieurs tournois, ce qui l'a fait chuter au classement. Aujourd'hui, elle se trouve au 116e rang.

Le jury devra décider d'ici vendredi si la USTA a été négligente. Si le jury donne raison à Eugenie Bouchard, le procès se poursuivra encore pour une semaine environ afin de déterminer la valeur des dommages subis par l'athlète. On ne sait pas combien la joueuse de tennis demande, mais selon Me Morelli, il pourrait s'agir «de millions et de millions».