La FIFA a été frappée mercredi par un double séisme avec l'arrestation de sept responsables soupçonnés de corruption notamment pour l'attribution du Mondial 2010, à la demande de la justice américaine, et parallèlement la perquisition de son siège zurichois pour les Mondiaux 2018 et 2022.

Le président Joseph Blatter (79 ans) briguera un cinquième mandat lors de l'élection maintenue vendredi au congrès de la FIFA.

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Arrestations à l'hôtel

Tout a commencé vers six heures du matin, lorsque des policiers suisses opérant à la demande des autorités américaines se sont présentés à l'hôtel de Zurich où sont logés les principaux dirigeants de la FIFA, pour y interpeller sept d'entre eux.

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Les suspects ont été placés en détention et font l'objet d'une demande d'extradition américaine. Seul l'un d'eux a accepté la procédure d'extradition simplifiée.

Au total, neuf élus actuels ou passés de la FIFA et cinq partenaires de l'instance mondiale du soccer ont été inculpés de corruption, racket et blanchiment à New York, accusés d'avoir reçu ou distribué plus de 150 millions de dollars depuis 1991, pour les droits de diffusion de tournois internationaux.

Parmi les dirigeants visés figurent Jeffrey Webb (Iles Caïman), Eugenio Figueredo (Uruguay), tous deux membres du comité exécutif, et Jack Warner (Trinité-et-Tobago), ex-membre du comité exécutif. Ce dernier, déjà impliqué dans de nombreuses affaires de corruption, s'est dit «innocent».

En fin de journée, la FIFA annonçait la suspension des neuf élus, plus Daryll Warner (fils de Jack) et l'Américain Chuck Blazer, ancien dirigeant de la CONCACAF devenu l'informateur de la justice américaine.

Le Mondial 2010 ciblé

Les interpellations ne sont «que le début» de l'offensive lancée mercredi par la justice américaine, a prévenu le procureur fédéral de Brooklyn Kelly Currie.

Signe de l'ampleur de l'initiative, la ministre de la Justice des États-Unis, Loretta Lynch, a elle-même accusé en conférence de presse les personnes poursuivies d'avoir «corrompu les affaires du soccer mondial pour servir leurs intérêts et pour s'enrichir personnellement».

Cette ancienne procureure fédérale, qui s'était déjà penchée sur le dossier FIFA, a lâché une nouvelle bombe, concernant cette fois le Mondial 2010 en Afrique du Sud: «Même pour cet événement historique, des dirigeants de la FIFA et d'autres ont corrompu le processus en utilisant des pots-de-vin pour influencer la décision d'attribution» de la Coupe du monde à un pays africain pour la première fois.

«Il ne s'agit que d'allégations», a réagi Dominic Chimhavi, porte-parole de la Fédération sud-africaine.

Concernant Warner, «il a entre autres sollicité et obtenu des pots-de-vins dans le cadre des processus d'attribution des Coupes du monde 1998 et 2010», selon le ministère américain de la Justice.

Le même jour, le siège de la Confédération d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF), situé à Miami, a été perquisitionné par le FBI.

La Russie n'a en tout cas pas apprécié cette offensive américaine et a officiellement demandé à Washington de «mettre fin à ses tentatives d'exercer la justice bien loin de ses frontières».

Pour vendredi, Blatter ne change rien

La FIFA est ébranlée, mais M. Blatter et son secrétaire général Jérôme Valcke «ne sont pas impliqués» dans cette affaire. «M. Blatter est concentré sur le congrès et il reste relativement détendu», a poursuivi M. De Gregorio.

Sepp Blatter est sorti de son silence dans la soirée, via un communiqué. «C'est un moment difficile pour le soccer, les supporteurs et la FIFA», a-t-il réagi.

«De tels comportements n'ont pas leur place dans le soccer et nous nous assurerons que ceux impliqués seront exclus du jeu», a-t-il ajouté.

Vendredi, il briguera donc un cinquième mandat à la tête de la richissime et surpuissante FIFA, secouée depuis le début de son règne en 1998 par une série de scandales, notamment liés à l'attribution des Mondiaux 2018 et 2022.

La Confédération africaine (CAF) lui a réitéré son soutien. Mais l'UEFA, elle, a demandé le report «dans les six mois» d'un congrès électif qui «risque de tourner à la farce». «Ces événements montrent que la corruption est profondément enracinée dans la culture de la FIFA», a-t-elle aussi accusé.

Un seul candidat se présentera vendredi face à M. Blatter: le prince jordanien Ali bin Hussein. Celui-ci a estimé dans un communiqué que la FIFA avait besoin d'«un leadership qui accepte sa responsabilité pour ses actes et ne rejette pas la faute sur autrui. La crise dure depuis longtemps, elle ne se limite pas à ce qui s'est passé aujourd'hui».

Photo Christian Hartmann, archives Reuters

Le président de la FIFA, Joseph Blatter.